Noelfic est temporairement en accès limité.
Envie de discuter en attendant ?
Accédez au SkyChat
Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Du mauvais côté


Par : Sheyne
Genre : Horreur, No-Fake
Statut : Terminée



Chapitre 1 : ~~~~~~


Publié le 22/05/2015 à 04:18:16 par Sheyne

La nuit à peine décadente se montrait livide, filtrant au travers des feuilles mortes et humides de rosée. Le sol gluant suçait les vieilles bottes ; dans le brouillard, des pas avançaient. L'herbe sauvage glaçait leurs jambes tandis qu'ils étalaient leurs ombres dans une odeur de terre un peu trop fraîche, trop vaporeuse. Et les autres savaient... ces créatures allaient les prendre...
Ils le savaient tous, encaissant les misères, bravant la pluie et les châtiments pour attendre leur heure, jour après jour, semaine après semaine. Mais le temps ne voulait plus rien dire depuis qu'il s'égrainait, se comptant en croûtes craquelées séchant au soleil, ou en boue profonde leur glaçant l’échine. Parfois, ils ne les tuaient pas... mais lorsqu'ils se contentaient de les battre jusqu'à qu'ils entrent dans de lourdes cages en bois c'était les relents de leurs propres déjections qui les achevaient. Le seul bénéfice, lors des nuits glaciales, était le mince toit de taules rouillées au-dessus de leurs têtes... ça et le contact réconfortant de leurs corps engrossés collés les uns aux autres.

Bien sûr, ils avaient hurlé... Au début... Et ils s'échapperaient s'ils ne devaient se traîner à quatre pattes dans la boue à cause de leurs moignons saillants, durcis en une espèce de croûte noirâtre infecte.

À l'approche des torches scintillante dans la brume, l'un d'entre eux frissonna, transit. Cette fois-ci, ce ne serait pas seulement les coups de bâtons cloutés, mais quelqu'un qui allait être pris. Comment le savait-il ? L'instinct animal peut-être. La torture aidant ils n'étaient plus que des bêtes, après tout... ça et le bruit sourd, métallique des chaînes que ces choses amenaient du lointain... Le bruit de la mort.

Cambrées sur leurs longues jambes les ombres s'attelèrent silencieusement, se concentrant sur l'ouverture de la prison de fortune. La porte de l'enclos se souleva lentement, dans un roulement de boiserie usée par le temps. Tout n'était que terreur sourde quand enfin ils se décidèrent à parler. Un genre de raclement profond, transcendant l'ambiance sordide, surgissant du monde horrible de leurs souvenirs. Et eux moisissant au sol... Avaient-ils un jour pu parler ? Certains s'y essayèrent à nouveau lors qu’enfin le battant claqua et tout fut pour leur prouver que non.
Quelques plaintes aiguës prolongées, semblants aux mugissements de morts en sursis. Des couinements absurdes émergeant à grande peine de leurs cordes vocales atrophiées. Ils n'étaient que ça, bons à se faire manger... Pas des hommes, plus même des animaux.

La plus grande des créatures arracha une lame émoussée d'une poutre rongée de termites, et ses paroles se muaient toujours lourdement en sinuant par-dessus leurs cris angoissés. Impossible à comprendre, dans une langue qu'ils n’auraient jamais aimé connaître. Un timbre qui prend aux tripes... D'un être qui prend les tripes.

Mais l'agitation fut bientôt telle qu'ils ne purent plus s'entendre. À l'approche des ombres et de la lame, les moignons frappèrent la carcasse de l’abri, raclant les vieux murs pour s'échapper. Ils s'écorchaient en se poussant vers le fond, le plus fort possible, distordant leur cage de fortune tandis que les corps putrides s'entassaient les uns sur les autres dans leur vaine tentative de survie. Ces choses n'en prenaient qu'un à chaque fois ; le plus proche.

C'est alors que la bruine tomba, claquant d'un coup de tonnerre comme des millions de petits éclats plombant le sol. Mais cette fois-ci, la frêle protection au-dessus de leurs têtes ne suffit pas à les protéger de la pluie. La seconde créature éclatant de rire avait saisi un seau plein d'eau à ses pieds. Il n'eut qu'à le balancer sur le tas de fange qu'était devenu son troupeau pour le calmer aussitôt.

Gisants au sol, leurs visages humiliés, mutilés se fondirent en un dernier soupir terrorisé. La chaîne d'acier tinta, invisible à leurs yeux embués, avant d'enlacer le cou du plus proche qui fut tiré sans respect en dehors de l'enclos. Il eut beau se débattre sous les cris désespérés de ses amis, il n'eut ni le temps de voir la bassine amenée sous sa tête, ni la lame froide glisser le long de sa gorge.

Finalement, il fut délivré de son mutisme forcé. Sa trachée, plongée dans l'auge put hurler dans le silence, déblatérant un flot de paroles rougeâtre ; le liquide poisseux d'une chaude délivrance.

Enfin, l'aube se leva éclairant un porc traversé d'un crochet, suspendu au plafond et dépecé sous le regard mort des survivants. L'espoir renaît.


Commentaires