Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Paris by Night


Par : Conan
Genre : Polar, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 20


Publié le 10/01/2012 à 04:05:27 par Conan

Il est sept heures du soir.
Ulrich est assis au volant d'une Ford Sierra achetée d'occasion trois heures plus tôt. Agniezska, assise coté passager, le fixe de ses profonds yeux bleus désespérés. Ulrich est stationné dans une rue non-loin de l’Étoile Rouge. Il y a dix minutes, il a téléphoné à Radovan, lui annonçant qu'il ne pourrait pas payer ce qu'il lui doit avant minuit, et lui a demandé audience afin qu'ils puissent tous deux trouver un accord pour qu'Ulrich puisse partir libre avec Agniezska. Il lui a donné rendez-vous près d'une fontaine, dans un square, à sept heure dix.

Après un moment de silence, Ulrich se tourne vers Agniezska.
-Je vais m'absenter pour régler mes affaires avec Radovan. Peut-être pour quelques heures. Je te laisse ici. Surtout, tu ne bouges pas de la voiture. Sous aucun prétexte. Si tout se passe bien, je serai rentré avant l'aube, avec l'argent, et nous pourrons partir. Si, au lever du jour, je ne suis pas revenu, tu pars, sans m'attendre, avant qu'ils ne te retrouvent. Tu prends l'autoroute, direction l'Italie. Dans la boite à gant, tu trouveras 1 500 euros et un petit carnet. Il contient les coordonnées de ma cousine qui vit là-bas, dans le Piémont. Tu lui expliqueras, tu raconteras tout ce qu'il s'est passé, sans rien cacher de ta situation ou de la mienne. Je laisse un mot pour elle, dans une enveloppe à l'intérieur du carnet. Tu lui remettras. Elle te logera et t'aidera à régulariser ta situation. Tu as bien compris ?
Agniezska retient un sanglot. La voix brouillée, elle répond simplement :
-Oui.
Ulrich pose sa main sur sa joue et caresse tendrement son visage. Agniezska embrasse sa paume en murmurant :
-Promet-moi que tu vas revenir... Promet-le moi.
Ulrich se contente de sourire. Il ouvre la portière et sort de la voiture pour se diriger vers le point de rendez-vous, sans se retourner.

Après cinq minutes de marche, il arrive au square et voit la BMW de Dragan stationnée. En s'approchant, il remarque qu'il est seul au volant. Ulrich ouvre la portière et s'assied à coté de Dragan.
-J'ai failli attendre. Lui dit ce dernier en démarrant.
Voyant que Dragan passe devant l’Étoile Rouge sans s'arrêter, Ulrich l’interroge :
-On va pas voir Radovan ?
-Non. Il a d'autres problèmes. Je dois régler ça avec toi.
-Où on va ?
-T'occupe.

Les minutes et le paysage filent sous les yeux d'Ulrich. Paris, puis la proche banlieue, la petite couronne, des environnements toujours un peu plus ruraux au fil du temps. Jusqu'à cette petite Nationale mal éclairée sur laquelle Dragan ralenti. Il tourne sur un petit chemin de gravier sur sa droite, et continue toujours plus à s'enfoncer dans la campagne, pour finalement s'arrêter devant un vieux bâtiment industriel en fer et en briques rouges, perdu au milieu de nul part.
-Où on est là ? Blêmit Ulrich.
-Descend. Dit Dragan en ouvrant la portière.

Les deux hommes sortent du véhicule. Dragan dit à Ulrich de passer devant lui. Ils entrent dans l'usine et se retrouvent dans une grande salle vide, parsemée de mauvaises herbes et de vieux décombres. Ulrich lève la tête vers le toit en tôle, fragmenté de centaines de trous causés par la rouille. Les pas de Dragan à dix mètres derrière lui résonnent dans le sinistre bâtiment. Ulrich se tourne vers lui.
-Qu'est-ce que c'est que ce plan ? Lui demande-t-il.
-L'argent que tu dois à Milo. Tu me le donnes. Tu me dis où est la pute. Et tu repars libre.
-Et sinon ?
-Sinon ?
Dragan passe sa main à l'intérieur de sa veste. Mais Ulrich est plus rapide et dégaine son Colt Python de l'arrière de son pantalon qu'il braque sur un Dragan surpris qui s'immobilise.
-Qu'est-ce que tu penses de ça ? Hein ? Tu me croyais vraiment stupide au point de me jeter dans la gueule du loup ?
-Pas mal. Allez, fais pas le con. Baisse ton flingue. On peut parler non ?
-On va rien dire du tout. Tu vas me donner ton arme, ton téléphone et me laisser repartir tranquillement.
-Ça, ça va pas être possible.
-C'est ça, où j'te bute !
-Tu as déjà tiré sur un homme ? Moi, j'ai tué des hommes. Beaucoup. En France, en Bosnie, en Serbie. J'ai vu la mort qui frappait leurs yeux pendant que mon poignard leur crevait le cœur et les organes, j'ai vu des hommes, des femmes, des enfants dans des brasiers, j'ai abattu des hommes de sang-froid d'une balle dans la tête parce qu'ils m'avaient manqué de respect... Est-ce que tu auras le cran de tirer ? Si tu fais ça, ne me rate pas. Car moi, je ne te raterai pas.

Les paroles marquées de l'accent Slave de Dragan et ses yeux durs et sans vie glacent le sang d'Ulrich pris de sueurs froides et d'hésitations. Le bout de son revolver commence à trembler. Ulrich se sent vaciller, flancher. Il défaille.

Dragan plonge sa main dans sa veste. Sans réfléchir, Ulrich tire. Dragan est stoppé net dans son élan. Il tente de se maintenir debout mais tombe en arrière au bout de quelques secondes et s'étale de tout son long sur le dos. Ulrich s'approche lentement de lui, le doigt encore sur la détente.

Dragan le regarde, d'un air à la fois surpris et attristé. Du sang coule le long de sa joue. Le 357 d'Ulrich ne lui a laissé aucune chance à cette distance. La balle est entrée juste en dessous de la clavicule, coté gauche, et semble être ressortie au niveau de l'omoplate à en juger le sang qui commence à couler le long du sol.

Ulrich regarde Dragan pendant quelques secondes. Puis il se penche vers lui et lui prend son arme, un Colt 1911 qu'il met à sa ceinture, ainsi que ses clés de voiture, et sort en laissant Dragan au sol, dans cette usine froide et sombre.

Il monte dans la BMW et cale son crâne contre l'appuie-tête en se passant les mains sur le visage. Il savait, au fond de lui-même, que l'affaire était mal partie et allait tourner au vinaigre. Maintenant il n'a plus le choix, il doit aller s'occuper de Milo et Radovan qui attendent à l'Étoile Rouge.

Ulrich inspecte le pistolet de Dragan. Sept balles, plus une dans le canon. Il lui en reste cinq dans son revolver. Le coup est faisable, mais il n'a pas le droit à l'erreur.
Il démarre et repart en direction de Paris.

Ving minutes plus tard, le revoilà devant l’Étoile Rouge. Il n'y a aucune lumière émanant de l'intérieur.

Ulrich descend de son véhicule, ses deux armes aux poings, et avance lentement vers le bar.
Il ouvre la porte. Milo boit un verre derrière le comptoir. En voyant Ulrich rentrer il ne bouge plus. Ulrich et lui se dévisagent quelques secondes.

Milo jette un œil à ses pieds et fait un mouvement brusque vers le bas. Ulrich pointe ses deux armes vers lui et tire. Milo se jette au sol sous les balles. Les bouteilles et le miroir derrière lui explosent dans un grand fracas et recouvrent le sol de verre. Milo se relève quelques secondes plus tard avec un fusil à canon scié entre les mains. Ulrich renverse un petit frigo se trouvant à coté de lui et se jette derrière, tandis que la chevrotine que crache le fusil de Milo va se planter dedans et fait de grandes étincelles. Ulrich se redresse pour tirer à nouveau quand Radovan arrive par l'escalier juste à gauche du bar, une arme à la main.
-C'est quoi ce bordel ? S'exclame-t-il.
-Attention! C'est Ulrich, il a un flingue ! Crie Milo à son patron.

Ulrich tire en direction de l'escalier. Radovan se met à l'abri et riposte avec son Makarov, suivi de Milo. Ulrich tire dans toutes les directions puis se remet à couvert derrière son frigo.

Après le déluge de feu, une accalmie s'installe. Ulrich, à genoux derrière son abri de fortune criblé d'impacts. Milo, baissé derrière son comptoir, fusil en main, et Radovan, appuyé contre un pilier près du bar, ne savent plus qui fait quoi.

Ulrich ouvre son barillet. Toutes les cartouches ont été percutées. Il enlève le chargeur du Colt. Plus rien dedans, ni dans le canon. En face, Milo et Radovan sortent de leurs planques lentement, leurs armes pointées vers Ulrich.
-Allons, Ricky. C'est fini. Sors de ta cachette. T'as plus aucune chance de t'en tirer. Dit Radovan.

Lentement, Ulrich pose ses armes et se lève, les bras écartés.
-J'ai plus d'arme.
-Tu vois Ricky, on aurait pu s'arranger, toi et moi. Mais tu viens chez moi, dans mon restaurant, pour me tuer, moi et mon ami. Qu'est-ce que t'as fait de Dragan. Hein ? Où il est Dragan ?
Ulrich soutient son regard dans celui de Radovan qui lui-même se tourne vers Milo.
-Ça va Milo ? T'es blessé ?
-J'en ai pris une dans l'épaule, mais ça va. Dit il en tenant Ulrich en joue.
-Tu l'a ?
-Je l'ai.

Ulrich comprend en voyant Milo ajuster sa visée. Depuis le moment où il a appelé Radovan il sait qu'il ne s'en sortira pas. Pas cette fois. Il pense à Agniezska, qui, voyant le soleil se lever dans un ciel froid et sombre, partira, les yeux rougis par des larmes. Endeuillée, mais dorénavant à l'abri des griffes de Radovan et Milo, ainsi que du besoin. Ulrich a planqué les 10 000 euros dans le coffre de la voiture juste après l'avoir achetée, sachant qu'il ne partirait jamais en Italie avec Agniezska.

Ulrich met les bras en croix et lève la tête. Milo tire.

Le choc de l'impact est violent. Ulrich est propulsé plusieurs mètres en arrière. Il passe a travers la vitrine et s'étale sur le trottoir. Radovan avance vers son corps et lui tire une balle dans le front.

Une sirène se fait entendre. Des gyrophares bleus éclairent la rue. Radovan se retourne. Une voiture de police vient de s'arrêter et deux agents en descendent l'arme à la main et se postent derrière leurs portières en le mettant en joue. Radovan jette son pistolet et met les mains sur la tête.

A coté de lui, Ulrich est allongé sur le trottoir parmi les éclats de verre de la vitrine, les yeux grands ouverts vers le ciel étoilé. Du sang coule le long de ses cheveux, une grande flaque noirâtre s'étale autours de lui.


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