Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Manon


Par : Salmanzare
Genre : Réaliste, Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 1


Publié le 20/04/2012 à 16:06:17 par Salmanzare

Manon,

Veste kaki trop large pour ses épaules et jean déchiré dans lequel s'engouffre l'air crépusculaire. Elle frissonne et se recroqueville près de ses genoux écorchés. Le sang n'a toujours pas coagulé. Petit animal traumatisé, elle lèche ses blessure.

La langue râpeuse goûte l'amertume.

Et la barricade ! Déjà trois heures qu'elle tient le siège !

Elle froisse nerveusement son paquet de cigarette. Des Lucky. La belle ironie. La dernière entre ses lèvres. Elle ne la fume pas. Son briquet est mort. Elle a bien essayé plusieurs fois mais rien à faire.

Il ne fera plus d'étincelles.

Pourtant elle ne se décide pas à l'enlever. Ca lui redonne de la prestance, du moins elle le pense. Elle passe sa main dans ses cheveux blonds ondulés.

Le sang les a rendu poisseux eux aussi.

Un petit rire tragique lui échappe et la cigarette manque de tomber. Alors Manon serre les dents et retient les larmes. Ca ne pleure pas un révolutionnaire ! Elle sera martyr sinon rien. Et c'est le pays qui pleurera son enfant. L'indignation pour les survivants, la tristesse reine.

Pas très loin d'elle se trouve Martin. Allongé sur le dos, il regarde les étoiles. Les yeux grands ouverts, ils ne se fermeront plus. Il est mort il y a quelques heures maintenant. Lors de la deuxième altercation. C'est l'un des premiers à être tombé avant que les assaillants ne se retirent. Il avait un sourire éclatant et le goût des lèvres de Manon sur les siennes.

Lui aussi ne fera plus d'étincelles.

Manon ne le pleure pas. Hier elle ne le connaissait pas. Aujourd'hui c'est le fantôme d'une idée. Au loin elle entend une déflagration, les cris qui montent puis se taisent. Ils reprendront. Ils reprennent toujours.

Arthur débarque soudainement. Il la serre contre elle sans un mot. Ils ne savent pas quoi dire. Au début ils savaient. Des grands discours, ils en avaient plein la tête ! Ils étaient jeunes, ils étaient beaux et ils allaient sauver le monde. Maintenant on ne dit plus rien. Les cernes parlent d'elles-mêmes, les regards suffisent. Ils n'ont pas besoin de dire qu'ils ont mal. Ils savent déjà.

Arthur tente un sourire. Embrasse maladroitement Manon. Réajuste son casque de vélo, il n'a trouvé que ça comme armure. Il se laisse à croire que ça le sauvera. Il attrape sa gourde et détale vers les cris qui ont repris. La révolution ne s'arrête pas.

Une autre déflagration encore. Plus lointaine. Et pourtant...

Manon est seule sur sa barricade. Arthur disparaît au coin de la rue. Reviendra-t-il ?

Manon enlève la veste kaki, elle frissonne. C'est au tour du débardeur de tomber, vient le soutien gorge. Le froid la rend fière. Le pantalon tombe sur les chevilles, la culotte le rejoint. La brume l'habille.

Nue.

Un instant elle espère qu'un photographe immortalisera le moment. Martyr. Emblème révolutionnaire. Symbole de son époque à jamais. Deviendra-t-elle une icône ?

Elle descend la barricade. Ignore les morsures du crépuscule et jette sa cigarette au loin.

Elle s'allonge près de Martin, lui prend délicatement la main et regarde les étoiles.


Là-haut tout brille.


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