Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Chrononautes


Par : Gregor
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 7


Publié le 09/05/2012 à 13:47:16 par Gregor

4.


Je n'ai jamais tenu d'arme dans ma vie. Et me retrouver avec deux énormes fusils d'une trentaine de kilos chacun est déroutant. Ce n'est qu'un exercice pourtant.
— Prêt, Max ?
— Je crois que oui, Roman.
Je lutte contre l'envie de l’appeler maître. Il me l'a formellement interdit. Ce titre le gêne plus qu'il ne l'honore. Il m'a bien expliqué que cela ne change rien à la relation professorale qui nous unit. Et à cet instant, il se tient à une trentaine de mètres au moins, une cible de la taille d'une pomme flanquée à bout de bras. Je ne peux pas le blesser. Techniquement, j'en suis incapable. Et l'idée de tirer dans sa direction me rend presque malade. Ce n'est pourtant qu'un simple exercice. Il suffit de me concentrer, de centrer le cibleur sur la sphère virtuelle, et de déclencher la commande de tir. Tout est très simple, bien trop simple.
— Maintenant.
Le cibleur trouve sa cible. L'ordre part sans même que je ne le veuille. Une giclée lumineuse s'échappe du canon massif du fusil, et transperce l'espace plus vite que n'importe quel projectile physique. Roman reste un instant ainsi, debout, le bras gauche tendu à l'horizontale. La lumière se dissipe, une chaleur lourde envahit le hangar.
— Parfait. Tes centres coordinateurs sont pleinement opérationnels.
— Et que se serait-il passé si j'avais dévié ?
— Mon bras aurait été réduit à une purée de plasma élémentaire.
Cette simple idée me fait baisser ma garde. Le fusil dans ma main droite se retrouve au niveau du sol.
— Tout va bien, Max, je te le répète.
— Roman, j'aurais pu te tuer !
— Il n'y avait aucune raison d'être aussi tendu. Des sécurités se seraient enclenchées. Mon armure aurait dévié une partie du tir et absorbé une bonne partie du rayonnement. De plus, je n'aurais pas souffert le martyre, et il aurait été très simple de remplacer l'implant.
Il n'a pas tort. Le major Asweltorf l'aurait fait sans problèmes.
— Bon, puisque cette première tentative est concluante, autant attaquer les choses sérieuses.
Il disparaît. Des dizaines de Roman surgissent un peu partout dans l'espace vide du hangar. Hollos ou déplacements hypervéloces ?
— Ce n'est pas juste un exercice à présent. Il va falloir que tu tires sur les cibles et que tu réussisses à me retrouver.
La voix est portée par cinquante visages, parfaitement détendus. Je ne dois surtout pas rester déconcentré. Il n'y a aucune raison d'avoir peur.
— Maintenant, Max !
Le nombre d'apparitions de Roman se multiplie. Mes optiques arrivent à en compter soixante-seize. Chacune possède son propre algorithme de présence, de la milliseconde à la dizaine de secondes. Je ne dois même plus réfléchir, simplement laisser filer les munitions photoniques et faire confiance à mon corps.
Premier tir, la cible est atteinte de plein fouet. Un indicateur visuel m'informe que le taux d'énergie de la sphère est aligné sur une signature identifiable. Il faudra détruire toutes les sphères pour retrouver Roman.
— Trop lent ! Ne baisse pas ta garde !
Premier coup de botte dans le dos. Je vacille, mais tiens bon. Il va me frapper, de plus en plus fort.
Le cibleur clignote de soixante-quinze petits cercles rouges. Je tire. Je sens les sphères disparaître à un rythme effréné. Le temps ralenti, Roman est moins rapide, ou mon esprit a trouvé une tactique d'adaptation efficace. Je comprends que les centres cybernétiques entament une distorsion relativiste du flux d'informations temporel. Roman se retrouve piégé, très facilement, trop facilement. Les cibles tombent en quelques secondes. Roman continue sa danse folle. Il frappe, encore.
— Tes arrières, Max !
La signature énergétique se dégage. Roman émet trop de flux pour devenir invisible. Une longue traînée le suit comme une piste lumineuse. Je sais où me placer pour l'intercepter.
Je cours vers l'ouverture béante du hangar, vide vers l'espace. Je tends mon bras gauche, il le percute violemment. Je ne ralentis pas.
Ce n'est plus un simple exercice. Je dois avoir sa confiance.
— Max, tu as gagné la seconde manche. Voyons la dernière.
Ne ne touchons plus pied-à-terre. Roman a enclenché les répulseurs de son armure, nous filons à bonne vitesse vers l'ouverture. Nous la franchissons. Je suis tétanisé.
Les lueurs bleutées des réacteurs sont loin au dessus de nos têtes, mais elles nous attirent comme une série d'aimants chauffés au-delà du supportable. Nos casques se sont rabattus sur nos têtes.
— Tu as exactement trente-cinq secondes avant que les réacteurs à fusions nous grillent. Bonne chance.
Je ne panique pas. Je suis vidé d'émotion. Je sais quoi faire.
Je nous laisse glisser vers la mort, avant de faire tourner à mon tour mes répulseurs. Nous frôlons à une vitesse de plusieurs milliers de kilomètres par heures les réacteurs, une vague de chaleur nous plombe. Je sens Roman hoqueter de surprise, puis se raviser. Notre trajectoire s'incurve vers la proue du croiseur. Nous repassons au dessus de sa carlingue noire, ici, plongée dans les ténèbres intersidérales. Mon interface optique m'indique que nous nous trouvons dans un système binaire distant de plusieurs centaines d'années-lumières de la Terre. L'information devrait me surprendre, il n'en est rien. Nous continuons notre course folle, avant de nous retrouver sur le flanc bâbord, face à une ouverture du même type que celle du hangar. J'accroche notre vitesse à celle du vaisseau, et pénètre dans le champ de force.
Roman défait son casque. Il transpire, et il sourit.
— je ne pensais pas que tu aurais le culot de le faire. Il m'a fallu trois journées pleines pour apprendre à manier les vols avec l'armure.
— Retire les heures de sommeil que je n'ai pas eues, et je pense que tu auras grosso modo le même tempo, réponds-je, encore trop excité pour tout assimiler.
— Au moins savons-nous que ton corps anticipe et réagit très bien en situation d'urgence. Félicitations, Max. Je pense que tu es prêt à sauter.
— Maintenant ? M'étonné-je.
— Pourquoi attendre ?
Je défais à mon tour mon casque. Il rit de plus belle.
— Tu es blanc comme un linge !
— Peut-être devrais-je me reposer un peu, Roman…
Il retrouve son sérieux, comme si rien ne s’était passé.
— L'urgence est relative, rassure-toi. Et vu notre destination, je pense qu'effectivement, un peu de repos te sera bénéfique.


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