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Les trucs et astuces de RDA


Par : Roi_des_aulnes
Genre : Nawak
Statut : C'est compliqué



Chapitre 8 : Le Narrateur.


Publié le 20/01/2013 à 16:49:34 par Roi_des_aulnes

Ca faisait longtemps, abordons un sujet qui est souvent vital pour beaucoup d'écrivains : première ou troisième personne ? Interne ou omniscient ? Comme vous vous en doutez, il n'y a pas de réponse précise. Tout dépend de fait de l'histoire que que vous souhaitez écrire, du style que vous mettez en œuvre, de vos thématiques, etc...
Comme on peut aussi si attendre, la narration, l'art de « placer la caméra » en écriture, n'est pas seulement l'affaire d'un choix en début de roman : le narrateur peut changer parfois à l'intérieur même d'une phrase.Il y a même une sous-discipline d'analyse littéraire qui se focalise uniquement sur les choix de narrateurs, la narratologie. Checkez wikipédia si ça vous intéresse.
Néanmoins, il y a des choix qui sont permanents, du début à la fin de l'histoire, et qui nécessite une réflexion préalable. On peut le résumer à l'habituel « première/troisième personne » mais c'est normalement plus compliqué que cela. On distingue d'habitude :

*L'extradiégétique : le narrateur ne participe pas à l'histoire (ouaip', c'est un mot compliqué pour dire « troisième personne »)
*intradiégétique : le narrateur participe à l'histoire (pareil, c'est un récit avec des « je »)
On distingue ensuite, dans l'extradiégétique, deux catégories, l'homodiégétique, où le narrateur, même si il ne participe pas à l'histoire, a une identité propre, et l'hétérodiégétique, ou il n'en a pas. Pour simplifier : si à un moment où a un autre, il y a une réflexion personnelle, un « en ce temps-là », un « comme vous savez », un « revenons à machin », bref, si à un moment vous avez soudain l'impression qu'il y a une âme qui cause derrière ces mots, c'est que c'est de l'homodiégétique. Vous aurez appris beaucoup de mots qui servent à rien aujourd'hui.

I. Homodiégétique/ Hétérodiégétique : Bowties are cool.

Passons rapidement sur l'homo/hétérodiégétique. L'homodiégétique est très peu utilisé de nos jours, même si autrefois, c'était la façon naturelle d'écrire un roman. Parfois jusqu'à la caricature : Victor Hugo, qui parvient à nous parler de Napy dans Notre-Dame de Paris en suivant ses pensées, est particuliérement célèbre pour cela. La plupart du temps, néanmoins, ça tient plus du cachet stylistique ou de la tentative de réalisme qu'autre chose : ainsi Tolkien, dans ses introductions, se présente comme l'héritier de vieux livres hobbits qu'il a traduit. Borgès raconte souvent des histoires « qu'il aurait entendu » -même si ce vieux fou aime se mettre aussi en tant que personnage. Snicket, dans les désastreuses aventures des orphelins beaudelaires, en profite pour jouer un peu avec l'histoire et nous lancer quelques vannes. Si vous voulez un exemple encore plus frappadingue, il y a le récent l'Auteur et Moi, d'Eric Chevillard : l'histoire principale raconte la vie-à la première personne- d'un homme qui déteste les choux-fleurs. L'auteur intervient néanmoins par des notes de bas de pages, dans lequel il donne ses commentaires, des notes qui enflent et qui enflent alors que Chevillard nous raconte sa vie, puis se décide à en fait écrire un second roman dans ses notes de bas de pages.
Bref, l'homodiégétique, c'est un peu comme un accessoire : ça peut vous magnifier une tenue, mais ça reste un accessoire, et ça devient vite n'importe quoi

(Un élément homodiégétique s'est caché dans cette image. )

II. Intra/Extradiégétique: Et toi, à quoi tu joues ?

Maintenant, entrons dans le monde de l'intra et de l'extradiégétique
Ce qu'il faut savoir en premier lieu, c'est que d'un point de vue narratif, l'extradiégétique peut englober l'intradiégétique, par le biais de la narration interne : de façon un peu naturelle, d'ailleurs, on a tendance, dans un récit à la troisième personne, à alterner les différents points de focalisations. Dans Anna Karénine, les scènes sont toujours vues d'un point de vue interne, avec quelques banalités du point de vue de l'auteur (ou encore quand il veut passer en avance rapide dans le texte, du genre « ces trois derniers mois... »). C'est encore plus voyant chez J.K. Rowling et Harry Potter, qui pourrait carrément être transcrits à la première personne sans quelques changements. Néanmoins, et c'est une bonne chose, la troisième personne donne la liberté absolue : puisque l'auteur est omniscient, il peut tout savoir, tout dire, sans que cela pose des problèmes de cohérence.
Pourquoi prendre la première personne alors ?
Parce que, et c'est sans doute un peu paradoxal, parce que la première personne a à la fois plus de contrante, et est plus facile à manier.

L'extradiégétique est compliquée, parce que, bien que vous pouvez tout faire, vous avez à garder une cohérence interne de style, d'information et de tons. Vous avez des outils à peu près illimités, mais vous avez à garder à l'esprit que la troisième personne, à chaque phrase, doit choisir un angle d'attaque, une façon de voir les choses, un angle précis. Je ne pense pas être un n00b en matière d'écriture, mais je trouve qu'écrire bien à la troisième personne est EXTREMEMENT difficile (vous noterez d'ailleurs que je le fais jamais, c'est bien normal, tous les projets que je commence avec, je n'arrive pas à dépasser la page). Je vais prendre une métaphore rapide : l'intradiégétique, c'est un peu comme programmer un FPS : on fait les décors, mais on ne s'occupe pas vraiment de la caméra. A l'inverse, écrire à la troisième personne, c'est comme faire un jeu à la GoW ou au anciens FF, avec une caméra fixe, et, à chaque nouveau décor, il faut choisir très précisément l'angle pour un effet maximal.
A l'inverse, l'intradiégétique comporte des limites inhérentes et des contraintes qu'il faut surmonter, mais que je trouve plus facile :

La principale est l'adaptation de votre style à votre narrateur, ou de votre narrateur à votre style. Prenons un exemple : j'écris à la première personne les aventures de Sidi, jeune wesh de treize ans qui se sent agressé par la présence d'un étudiant-costard dans son ghetto. Je me lance dans mon style habituel (en freestyle, et en caricaturant un poil) :
« Je sentais la nuit qui enveloppait ma peau. Je ressentais la déchirure dans mon espace, la clarté de ses habits qui frappaient les murs sombres des cités. Et je le voyais, lui, de toute sa hauteur, envahir mon monde de son regard. Il me jugeait, il jugeait les miens, ceux qui n'avaient pas eu sa chance, ceux qui étaient plongé dans la détermination holistique d'une contre-société. Nous avions grandi seuls, et il nous prenait pour des privilégiés. Il se prenait sans doute pour un nihiliste : mais c'était nous les nihilistes, à refuser de croire à leur monde, à rester caché dans l'ombre de leurs étoiles, les couteaux tirés, prêt à frapper leurs planètes serviles et offrir la libération à nos frères. »
J'appelle ça personnellement le La Rumeur wannabee : ça a fait Sciences Po, et ça se veut prendre la voix de la banlieue. Ne faites pas ça, s'il vous plait.

http://www.hiphop4ever.fr/wp-content/uploads/2008/11/ekoue.jpg
(Maitrise de Sciences Politiques, DEA et doctorant en droit public, diplomé de Sciences Po Paris. Big Up cousin, pessimisme révolutionnaire, wesh! )

Plusieurs solutions dans ce cas : ou bien réfléchir très durement à ce que tel ou tel personnage peut donner tel ou tel style et écrire avec beaucoup d'attention, raconter l'histoire dans un futur indéterminé ou le Sidi aura potentiellement appris à écrire (ce qui m'a permis de mettre des figures de style dans la bouche d'une gamine de huit ans), ou, simplement, adapter vos personnages-narrateur à votre style naturel.
Oh, faites pas cette tête, tout le monde fait ça, même inconsciemment. Regardez ceux qui écrivent à la première personne sur NF : Je vous faits des narrateurs obsessionnels et paranoïaques au sens clinique du terme. Gregor va vous raconter l'histoire de personnages sombres, cyniques, pourtant capables de se porter à de longues digressions un poil mégalos. Bali dans Sorcerer va prendre un style simple, direct, presque oral. Ceux qui font un tour sur NE seront encore plus marqué par la similarité des narrateurs chez un Metatron, un Cohue, un Yugowski. Ce qui est marrant, c'est que quand on écrit à la troisième personne, comme par hasard, ce ton est conservé.

Le reste se tient à des limites narratives de cohérence. Bien entendu, le narrateur personnage en sait autant que devrait le savoir le personnage, il a des limites dans la compréhension de l'histoire. Bien entendu, si vous écrivez au présent, vous devrez reproduire non une histoire reconstruite, avec des découpages, des ellipses, des analyses sur ce qui se passe, mais les pensées qui affleurent la conscience du narrateur, et je vous renvoie au courant du stream-of-consciousness (et vous souhaite bonne chance). Bien entendu, aussi, votre personnage, dans un récit au passé, à un double contexte : celui où il vit l'action, mais aussi le moment et le lieu ou il le raconte. Si vous ne l'indiquez pas, vous devriez au moins le savoir, car on ne raconte pas un événement de la même façon si on s'en souvient deux mois après, ou soixante ans plus tard. Et quand on meurt, on ne se remémore pas, ou alors du paradis.

Et un dernier mot au niveau du style, eut-être assez évident. Ecrire des scènes d'actions, ou purement narratives, avec un personnage à la première personne, est beaucoup plus dur qu'à la troisième. Parce que les phrases à la première personne sont naturellement plus longues, sont moins flexibles. Parce que le narrateur, si il est au centre de l'action, ne peut pas voir l'ensemble, et qu'il est plus éloigné temporellement que le narrateur omniscient.

III. Que faire ?

En conclusion, je dirais une banalité, indiquant que cela dépend vraiment de votre style, de votre type d'histoire, de la réalité de votre personnage :

-D'abord, analysez vous vous-même : Etes vous centré sur la psychologie des personnages, ou sur l'histoire qu'ils vivent ?
-Analysez votre histoire : A-t-elle un personnage dont le point de vue permet de comprendre toute l'histoire, sans enlever la notion de suspens ? (n'oubliez pas, dans les récits de SF et de Fantasy, du problème de l'exposition : si un personnage raconte sa vie, il ne se sentira pas obligé de raconter le monde autour, puisqu'il est pris comme compris pour les gens de son monde : c'est pour ça qu'on comprend que dalle à la guerre en cours dans Alter Ego et à la société technologique d'Anh Hao).
-Analysez votre hypothétique personnage-narrateur : Vous sentez-vous capable de lui donner une voix ? Votre style est-il « wesh-compatible » ?

Un petit exercice, maintenant, pour vous faire réfléchir à ce procédé. Voici trois résumé d'histoire rapides, issus de mes divers projets. Si vous deviez les écrire, quel type de narrateur faut-il employer, quel oint de vue prendriez vous, et pourquoi ? Il n'y a pas forcément de bonne réponse, mais il peut y avoir de bonnes réflexions :

-Réaliste/ social : Karim, un jeune avocat, retourne dans la banlieue de son enfance. Alors qu'il est victime d'une agression, il parvient à retourner les agresseurs contre le système, et devirent vite leur idole. Il propose, parce qu'on ne peut pas compter sur la police, de faire leur propre loi sur la cité, en créant des milices qui autorisent et encouragent le trafic de drogue, mais qui ratonne tous ceux qui agressent et mettent en cause la sécurité des habitants (et par le même coup, attire les flics et les caméras). Supporté bon an mal an par l'imam du quartier, sa volonté de faire le bien et d'apporter l'ordre le transforme néanmoins rapidement en chef de gang tyrannique, toujours poussé plus loin par son succès.
-Fantasy : Dans un village perdu dans le désert, deux enfants, Barthelemy et Marie, découvrent Soros, un homme solitaire et alcoolique, en plein rituel magique. Le lendemain, le Prophète du Village annonce la venue du Horla, un géant de sable et de vent qui les dévorera à la prochaine Lune. Alors que tous se décident à l'exil, Barthelemy, Marie et l'enfant silencieux du Prophète, Archaël, décident d'enquêter pour découvrir si Soros est bel et bien le responsable de la venue du Horla et si il est possible de l'arrêter.
-SF/Post-apocalyptique : Nous sommes un monde dicté par le pouvoir des Orgues Majeurs, des machines musicales capables de sculpter et de détruire la réalité. La cité de Godvice tombe peu à peu dans la ruine et la décadence, dirigé par un roi immortel et terriblement vieux qui manipule le maître des Orgues, l'Orgue de Dieu, et qui refuse de l'utiliser pour sauver son peuple mourant. Frollo, son fils, dévoré par l'ambition et la nécessité de sauver son peuple, tente de l'assassiner, mais se fait projeter à l'autre bout de la Terre. Frollo, à l'aide de compagnons qu'il rencontre sur son chemin, doit retraverser le monde et moyen de contrer l'Orgue de Dieu, pour sauver son peuple et enfin devenir Roi.


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