Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Red Brenn


Par : Conan
Genre : Polar, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 43


Publié le 27/08/2013 à 01:10:57 par Conan

J'ai les mains couvertes de sang, et une balle dans la jambe. Titi gît sur l'herbe devant la bâtisse de bois, inconscient.

Il y a plusieurs cadavres autours de nous. Leurs visages, pâlis par une mort toute fraîche, luisent faiblement à la lueur de la lune. Ils ont encore les doigts crispés sur leurs armes.

Je tombe à genoux à coté de mon ami. Une éclaboussure de sang lui a sali le visage. Je l’essuie du revers de mon gant déchiré par une éraflure de balle. Tout est allé tellement vite.

En arrivant à proximité de la planque du Hollandais, ou du moins ce qui était supposé l'être, nous sommes descendus du véhicule.
Discrètement, nous nous sommes équipés. Nous avons chargé nos armes, enfilé nos cagoules, passé nos gilets tactiques. Plus discrètement encore, nous nous sommes approchés du chalet. Comme des chats.

Certes, l'âge, les excès, nous ont rendus plus pachydermes que félins. Mais impossible que les sentinelles, aussi aguerries qu'elles soient, aussi alertes qu'elles puissent être, aient réagi aussi vite et aussi violemment.

A peine l'objectif à portée de vue, alors que nous n'avions encore engagé aucune manœuvre, nous avons reçu une pluie de projectiles. Des armes automatiques ont déchiré la nuit et se sont mises à crépiter tout autours de nous.

Nous avons avancé à la grenade et au fusil d'assaut jusqu'à atteindre la bâtisse. Jusqu'à ce que le dernier canon ne tire sa dernière cartouche.

Quand la fumée fut dissipée, je trouvais Titi au sol, et Karl avait disparu dans la nuit. Mon ami venait de se faire tirer dessus par un blessé qui s'était traîné une dizaine de mètres plus loin, dans les fourrés, pour y crever de sa belle mort.

Me voilà devant le corps inerte de mon ami, en train de lui prendre le pouls, et de vérifier son souffle. Deux balles l'ont touché au thorax. Il n'avait pas de protection.
Son cœur ne bat plus.

Mon expérience et ma raison savent qu'il est parfaitement inutile de tenter de réanimer un blessé de guerre dont le cœur s'est arrêté. Pourtant, de mes deux mains, j'appuie sur son plexus. Les gouttes de sueur roulent de mon visage jusqu'au sien. Je ne peux pas le laisser. Pas lui. Pas ici. « Allez, j't'en prie mon pote, respire. Respire, putain. Respire. »

J'irai jusqu'à frapper son torse de toutes mes forces. C'est fini. Y'a plus rien à faire. Je me relève difficilement. La douleur commence à s'installer dans ma jambe.

Je dois voir celui qui l'a buté. Celui qui a réussi à abattre Titi.

Il gît sur le ventre, son revolver encore dans la main. Il porte, comme la plupart des types présents ici, un blouson de cuir et un pantalon cargo. Je retourne sa carcasse. Malgré l'expression qui tord son visage, je le reconnais bien. Le temps ne l'a pas trop changé. La mort, certainement plus. Le Brun. Ça faisait bien vingt-cinq ans que je ne l'avais pas revu. La dernière fois, c'était en Syrie, après un contrat qu'on avait exécuté à Damas. Il avait choisi de rester. Il avait rencontré une fille. La fille. Vraisemblablement trop baroudeur pour se poser, il avait continué là-dedans.

Est-ce le monde qui est trop petit ? Ou est-ce de moi dont le ciel aime tant se jouer ? Pourquoi mes retrouvailles avec Le Brun consistaient en ce qu'il tue notre ami avant que je ne l'abatte à mon tour ?

« Dépêche-toi de tirer ta révérence, Red. Le temps t'es compté. Ce nouveau pied-de-nez du destin te le rappelle encore une fois».

Je me retourne. Greg est assis sur une souche d'arbre, arborant la tenue et le béret noirs des Escadrons de la Mort.
-Pas maintenant.
-Alors quand ?
-Quand je l'aurai retrouvé.
-Qui ? Le Hollandais ? Comment tu vas t'y prendre ? Tu vas appeler ce cher Karl pour savoir ? D'ailleurs, où il est ? T'as vérifié tous les cadavres pour voir s'il se cachait pas ? T'as eu Le Brun, essaye de voir si y'a pas d'autres potes dans le lot. Gros Yo. Bébert. Vinny. Moi.

Je pointe un doigt accusateur vers lui.
-Ta gueule ! C'était le hasard ! Je pouvais pas savoir !
-Et pour Karl, tu pouvais ?

Il disparaît. Cette-fois, sans son rire sardonique.

Je récupère le revolver de Le Brun. Un 38 spécial à canon court, et me met à sa recherche.

Je m'enfonce dans les bois jusqu'à ne plus pouvoir être guidé par la lune. Ma jambe me fait de plus en plus mal. J'ai perdu beaucoup de sang. Et ça continue. J'abandonne et rebrousse chemin.

Je remonte dans ma voiture. Il reste encore le sac de Titi posé sur le siège arrière.

Désolé mon pote. J'te laisse ici. Tu mérites mieux que d'être enterré comme le dernier des malfrat en plein milieu de cette forêt.

J'enlève ma ceinture et me fait un garrot en haut de la jambe. La balle a tapé en pleine cuisse, mais n'est pas ressortie.

Je conduis la vieille tire jusqu'au pub de Karl. Malgré l'heure, il est encore allumé.

Je pousse la porte. Personne dans la salle. Pas de musique non plus. Mais des verres à moitié vides sont posés sur quelques tables, et des clopes continuent de se consommer au bord des cendriers. Comme si on avait déserté l'endroit précipitamment.

Je gravis les marches qui mènent au bureau du patron, et frappe à sa porte.
-Entre, Brenn. Résonne une voix à l'intérieur.

Quand je pousse la porte, je tombe sur un Karl enivré, assis derrière son bureau, la tête entre les mains, encore sa veste sur le dos, une bouteille de whisky posée devant lui.
-Alors. T'es venu en finir. Hein.
-Pourquoi, Karl ?
-Ça... Ça devait pas se passer comme ça... Vanderbeke m'a contacté y'a quelques semaines. Il m'a promis un paquet de blé pour la Firme. Juste pour le couvrir. Quand j'lui ai dit que tu l'avais logé, il devait juste se faire la malle. J'pensais pas qu'on tomberait dans un guet-apens. Sinon... Sinon je nous y aurait jamais envoyé.
-Titi y est resté.

Il baisse ses yeux rougis tandis que je sors le revolver de Le Brun.
-Où est le Hollandais.
-Il s'est réfugié à la Cour des Miracles en attendant son vol pour Buenos Aires. Il doit quitter la France dans trois heures. Allez, vas-y Red, tire qu'on en finisse.
Je pose l'arme sur son bureau.
-C'est pas à moi de le faire.
Karl éclate en sanglots.

Je tourne les talons et quitte le pub. Laissant Karl seul avec ses remords et un revolver chargé.

Alors que j'ouvre ma portière, un coup de feu claque et illumine brièvement la fenêtre à l'étage du pub. Je suis le dernier survivant.


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