Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

[Confédération][3] Semper et Ubique


Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 9


Publié le 13/10/2013 à 13:51:36 par Gregor

3.

Un silence glacé régnait dans la salle des relais réservée à la Confrérie des Externes. Les trois opérateurs en postes n'avaient pas échangés la moindre parole depuis plusieurs minutes. Un fait qui surprit Flinn, tandis qu'il se tenait assis, attendant que Guillhem le rejoigne. "Enfin, il a les coordonnées, c'est bien l'essentiel", songea-t-il.

Ne pas savoir comment l'adjudant s'était emparé de ses données ne lui causait pas un grand tord. En revanche, sa curiosité l'incitait à se pencher sur le sujet lorsque la situation lui permettrait. Il fallait qu'il découvre quels mécanismes entraient en jeu dans le processus. Certes, la télépathie en expliquait le fondement ... Mais ce n'était qu'une échelle d'observation trop grossière et trop floue pour le satisfaire pleinement. Avait-il "sondé" l'esprit des hérétiques ? Ou bien le cours d'une conversation lui était-il parvenu sans qu'il ne fasse le moindre effort, et que par un heureux concours de circonstance, il eut suffisamment de temps et de force pour comprendre et garder en mémoire cette information ? Peut-être même, d'autres forces entraient-elles en jeu, des forces si obscures que Flinn lui-même pourrait trouver dangereux de les aborder. La culture de son peuple lui avait appris la prudence et la patience. Il n'aimait pas agir sans pouvoir cerner les tenants et les aboutissants de ses choix. Et il ne dérogerait pas à la règle. Tout du moins, pas cette fois, encore.

Un opérateur détourna son regard vers lui. Il observa ses galons, et se rappela alors qu'il serait de bon ton de revoir l'amiral avant de s'envoler à nouveau vers Barnard Prime. En favorisant sa mission et en oubliant quelques règles de bienséance - qui lui semblaient stupides au demeurant - il ne s'était pas fait un allié dans la personne du maître suprême de l'Ankara. Flinn n'avait pourtant jamais fait quoi que ce soit qui dépasse le cadre réglementaire. Les Externes s'étaient conduits de manière très discrète, n'avait été en contact avec les membres de l'équipage qu'en de rares occasions, et n'avaient rien fait d'inconsidéré durant ces temps-là. Flinn ne s'était pas méfié du substantiel avantage qu'il aurait pû tirer en faisant de l'amiral un contact proche. En plus de devenir intouchable, le Naneyë aurait pu tirer quelques avantages en nature. Des navettes supplémentaires, peut-être même un contingent d'hommes pour assurer la logistique au sol, ce qui aurait pu dégager certains de ses éléments pour les envoyer sur le terrain. Hélas, le cas - intriguant - de Guillhem avait accaparé son attention. Il se promit de résoudre ce problème dès qu'il en aurait fini avec son nouveau protégé.

Un bruit de pas le tira de ses réflexions. Avançant d'un pas assuré, vêtu d'une cape standard, Guillhem de Choire se planta devant son supérieur.

- Pile à l'heure, railla Flinn.
- Comme convenu, j'ai retrouvé les données que vous m'aviez demandé, mon commandant.

Guillhem semblait ne plus entendre les remarques caustiques du Naneyë. Il avait pris son parti face à l'attitude grinçante de son protecteur.

- De quand datent-elles ? demanda sans transition Flinn.
- Difficile à dire, mon commandant ... Étant donné que j'ai ... intercepté ... les données pendant ma captivité, je dirais de quelques jours à deux, peut-être trois semaines.
- C'est mieux que rien, approuva le Naneyë.

Sans précipitation, il s’approcha d’un des opérateurs.

- Sergent Peuk, aurez-vous assez de matière avec des coordonnées précises datant de quelques semaines pour estimer une trajectoire globale ?
Le sous-officier se retourna vers Flinn et Guillhem. Il releva l’aug qui barrait son visage, afficha une moue sceptique.
- Difficile à dire, mon commandant … Nous pouvons toujours émettre des hypothèses et produire des simulations réalistes, mais ce n’est pas pour autant que notre travail se révèle exact … Peut-être qu’avec le soutien d’une partie du département de stratégie de l’Ankara, nous pourrions obtenir une analyse très fine en une, peut-être deux heures.

Flinn ne put réprimer un sourire féroce.

- Un problème, mon commandant ? questionna le sergent Peuk.
- Aucun, trancha l’officier. Du moins, aucun qui ne vous concerne. Sergent, vous aurez cette équipe.
- Rapidement ?

Flinn lui lança un regard appuyé. Le sous-officier baissa les yeux.

- Pardonnez mon impudence, mon commandant …
- Comptez moins d’une heure, sergent. Mais ayez la décence d’utiliser à bon escient cet atout.

Le sous-officier se raidit.

- Je ne vous décevrai pas, mon commandant.
- Parfait.

Flinn se dirigea vers la sortie, Guillhem à ses trousses. Tandis que le duo s’éloignait dans les coursives du croiseur, le jeune prit la parole.

- Mon commandant, vous estimez réellement pouvoir influencer l’amiral pour qu’il soit …
- Ce n’est plus une question de choix ou de politique de courtoisie, trancha le Naneyë. Avec les informations que vient de me livrer le sergent Peuk, je ne peux plus me permettre de tergiverser.
- Pourtant, l’amiral n’est pas un de vos intimes …. Comment allez-vous procéder ?

Flinn s’arrêta, croisa les bras et toisa le jeune homme.

- Tu tiens vraiment à le savoir ?
- Bien évidemment !
- Mauvaise réponse, adjudant… Il est hors de question que je me présente face au chef suprême de l’Ankara en compagnie d’un de mes hommes. Ce serait un affront manifeste, et il pourrait le vivre comme un manque de confiance outrageant. J’aimerais autant que faire se peut éviter toute situation potentiellement conflictuelle.
- Alors que vais-je faire ?

Flinn reprit sa marche, mutique.

- Que vais-je faire en attendant, mon commandant ? insista Guillhem.
- Travaille avec les opérateurs le temps de mon absence.
- Mais ils ont les coordonnées !
- Fort bien … Et quand leur as-tu transmis ?

Réalisant son oubli, Guillhem fit demi-tour sans tarder. Flinn se laissa aller à un demi-sourire caustique. « Déjà, un problème de réglé » songea-t-il en observant son protégé s’éloigner.


Lorsque le contingent de dix cybernautes patibulaires à la peau aussi blafarde que la face de la lune et à la langue aussi muette qu’une tombe se présenta, Guillhem n’en crut pas ses yeux. En constatant l’heure du bord, il remarqua avec une véritable surprise que l’officier des Externes avait été très efficace. Trente cinq minutes avaient suffit entre son départ et l’arrivée des spécialistes en communication. Un temps record, synonyme de rapidité et de maîtrise. Guillhem s’interrogea et jalousa dans le même temps le Naneyë. Il allait devoir se montrer d’autant plus prudent à partir de maintenant. « S’il est capable de mettre dans sa poche aussi rapidement un amiral réputé pour être un individu têtu et retors, qui sait ce dont il pourrait faire avec une pareille ruse ? ». A cette simple pensée, il eut la sensation de frissonner. Mais son corps ne répondit pas. Une nausée le traversa, il s’agrippa à son banc.

- Un problème, adjudant ? demanda un des cybernautes fraîchement débarqué.
- Aucun, mentit Guillhem.

Il contempla la mécanique des techniciens se mettre en place. Doucement, la masse informe s’installait dans chaque recoin de la pièce. Le manque de place ne semblait déranger personne. Le silence piqueté de quelques ordres brefs semblait convoquer une forme de rituel ancestral, aux pratiques inconnues pour Guillhem. Il savait que les spécialistes de la technologie confédérée évoluait dans des eaux sombres et emplies de mystères pour le néophyte qu’il était, mais il ne pouvait réprimer cette fascination naïve, enfantine, face à la précision et la rigueur que déployait les cybernautes de l’Ankara. A coté d’eux, les officiers de communication de la Confrérie des Externes paraissaient bien terne, frêle amateurs bricolant de curieuses solutions. Pourtant, aucun ne lâchait son siège. Une compétition empreinte de fierté et d’égocentrisme se déroulait sous les yeux du jeune homme. Il s’amusait du spectacle, lorsqu’une main gigantesque se posa sur son épaule. Il leva les yeux, découvrit la figure avenante de son supérieur, se leva et entama de se mettre au garde à vous.

- Inutile, intervint Flinn.

Guillhem se ravisa, tandis que l'officier s'asseyait à ses cotés.

- Nous n'avons plus qu'à attendre.
- Ici ?
- Pour un adjudant, je me demande ce qu'on a pu t'enseigner à l'Académie, railla Flinn. Toute la logistique du bord est en train de préparer les navettes et le matériel nécessaire à l'expédition. D'ici deux, peut-être trois heures maximum, nous devrions avoir des coordonnées fiables. Si le temps est un luxe dont nous avons largement abusé dernièrement, ce n'est plus le cas tout de suite.
- Vous voulez dire que ...

Flinn soupira. Le geste souleva docilement sa grande carcasse recouverte de métal.

- L'amiral est un homme sage qui a su se convaincre que la meilleure tactique serait d'agir rapidement. De retrouver le groupe de rebelle qui t'a infligé ça, afin que tu te venges...
- Tout ça pour ça ?
- Je n'ai pas fini, intervint le Naneyë. Il faut que nous retrouvions ces rebelles pour que tu te venges, mais surtout que tu parviennes à leur arracher l'emplacement de la "résidence" de leur chef. Et alors, nous frapperons une bonne fois pour toute, en nous assurant que la rébellion ne se relève plus. Par n'importe quel moyen si cela était nécessaire.
Guillhem eut la sagesse d'esprit de ne pas questionner. Tous les moyens, cela sous-entendait les plus brutaux, comme la possibilité de ravager une grande partie de la surface du globe à l'aide de rayonnements exotiques afin d'y éradiquer toute forme de vie intelligente.
- Dans ce cas, mon commandant, pourquoi restons-nous assis ici ?
- J'étais venu remercier les cybernautes qui se démènent pour que nous puissions mener à bien notre tache de ... purification. A présent, si tu n'y vois pas d'objection, nous allons à notre tour nous préparer.

Guillhem leva un sourcil, interrogateur. "Ce qu'il fait n'a aucun sens ... " Quelque chose persistait à lui échapper, et tout en fixant le dos de Flinn, il se demanda si la situation pouvait effectivement tourner à son avantage. A cet instant, Guillhem savait qu'il était totalement manipulé, fragile, et il détestait cette sensation.


Une tension pénétrante s'était installée au pied de la navette. La trentaine de soldat du contingent dirigé par Flinn patientaient en silence. Parfois, un murmure s"élevait au milieu du brouhaha des machines, pour aussitôt se taire et s'étioler comme la ligne du ressac face à une plage morte. La seule figure humaine au milieu des Confrères tenaient en la personne de Guillhem, qui se seraient volontiers dispensé d'un tel exercice de politesse. Tous les regard se portaient sur lui, et cette attention semblait rendre sa substance molle, liquide. Il se demandait par quel miracle il tenait encore sur ses jambes face aux circonstances. Aucun ne souriait, aucun ne semblait réellement enjoué à l'idée de combattre à ses cotés. Guillhem se doutait bien que le commandant aurait quelque peu arrangé la réalité, mais il ne s'attendait pas à un tel mur de visages patibulaires en tenues de guerre, conseil des sages qui lui semblait prêt à le mettre en pièce s'il avait eu l'outrecuidance d'ouvrir la bouche. A sa grande satisfaction, il n'eut pas ce privilège. Flinn s'avança vers ses semblables, parlant d'une voix forte qui couvrit le fracas des manœuvres de chargement autour du groupe.

- Nous sommes au complet ?

Une vague réponse affirmative parcourut l'assemblée.

- Bien, se satisfit Flinn. Est-il nécessaire que je rappelle à tous la raison de notre départ ?
- La même qui nous a fait partir la première fois, je suppose, railla le sergent Fletch.

Guillhem détailla le Naneyë. Un individu lourd, comme tout ceux de son espèce, à l'air brusque et aux traits autoritaires. La seule fantaisie qui le distinguait un peu des autres soldats se résumaient en une tâche noire ceignant l'unique oeil organique que conservait son visage. Comme guidé par le regard insistant de l'adjudant, Fletch lui décocha une œillade longue et glaciale. Guillhem se sentit gêné, détourna ses yeux vers le sol.

- Une lapalissade, nota Flinn. D'autres réponses peut-être ?

Personne ne pipa mot.

- Avant que nous embarquions, je tenais à vous présenter le dernier membre de notre escouade.

Il invita Guillhem à faire un pas en avant.

- L'adjudant de Choire servira sous notre bannière en temps que membre honoraire. Il a été particulièrement utile dans la recherche des nouvelles positions de nos ennemis. De plus, il a un ... contentieux à régler avec certains d'entre eux.
- Un fils d'humain ? s'étonna un soldat.
- C'est contraire au loi de la Confrérie ! s'écria un autre.

Le tumulte des voix grossit, jusqu'à ce que Flinn frappe dans ses mains, une seule fois, et que le calme resurgisse aussitôt.

- Il nous accompagne, trancha l'officier. Ma décision est prise, il est inutile de revenir dessus. J'ai bien conscience de faire une entorse à la charte que nous a remis le Très Saint Magister Oddarick à la fondation de l'ordre, mais il se trouve que nous n'avons pas le choix. L'adjudant possède des habitudes particulières, précieuses, et il se trouve qu'il ne pourra servir qu'en notre compagnie. Aucun autre département militaire ne stationne sur Barnard Prime.
- Alors qu'il reste au vaisseau.

La voix de Fletch avait la dureté de la pierre. Flinn le toisa, mais son subalterne ne se démonta pas.

- Qu'il reste au vaisseau tandis que nous accomplissons ce pourquoi nous sommes venus. Ainsi, nous ne briserons pas nos propres lois ...
- Impossible, répliqua Flinn. L'adjudant de Choire nous suit.
- Aurait-il quelque chose à cacher ?

Un sourire mauvais anima les babines du sergent.

- Des prédispositions dont le Dieu-Machine a jugé bon de lui faire don.
- Vous parlez sans doute de ses implants, mon commandant.
- Si tel était le cas, croyiez-vous que j'en tiendrais rigueur, sergent ? Mais peut-être désirez-vous contester mes ordres ... Auquel cas, nous savons très bien comment régler cette situation.

Flinn toisa Fletch, qui soutint son regard de longue seconde, avant de se reprendre.

- Vous savez que je ne peux contester vos décisions, mon commandant.
L'officier afficha une mine victorieuse, rogue et fière.
- Je préfère entendre cela. Quant à vous tous ...
Il scruta l'assemblée sans aménité.
- L'adjudant de Choire est désormais l'un des nôtres. J'entends que vous le traitiez comme tel.

Un lourd silence se fit. tous acquiescèrent, et tout en embraquant dans la navette, se gardèrent bien de se faire remarquer.


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