Note de la fic : :noel: :noel:

L'appel du Devoir


Par : -AtantoinE-
Genre : Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 1 : L'appel du Devoir


Publié le 25/03/2010 à 22:33:14 par -AtantoinE-

L'appel du devoir



-Bon ça suffit, à terre et ne bouge plus !

Tout vint alors très vite. Le soldat, nerveux et imbibé d'alcool sortit son arme de son gilet et pointa le canon sur la femme du fermier. Son régiment venait d'atteindre un petit village ennemi dans lequel il comptait faire halte, et chacun d'entre eux devait maintenant s'inquiéter d'un logement pour la nuit. Ce soldat-ci ne trouva cependant aucun mal à trouver une maison dans laquelle il serait accueilli après avoir passé une partie de la soirée dans le bar du coin.

A l'écoute des pleurs et hurlements, le jeune fermier traversa les champs et se précipita à l'intérieur de sa maison, où il ne vit rien d'inhabituel, jusqu'à ce qu'il pénètre dans le salon, précisément au moment où l'acte irréparable semblait trouver sa conclusion. Il vit sa femme pleine de poussière, par terre, à genoux, en larmes, d'abord ; puis ses enfants cachés dans un coin de la salle, apeurés, recroquevillés, hésitant entre s'enfuir et subir, ensuite. Tétanisé, il voulut courir, hurler, écarter violemment l'intrus, lui sauter sur le dos et retourner son arme contre lui... mais il n'y parvint pas.
Le soldat dû se concentrer longuement avant de mettre sa cible en joug. Vacillant par moments, il vérifiait sans cesse avec un tic nerveux si les balles se trouvaient bien dans le barillet. Et lorsqu'il eut finit, il tira. La détonation fit tressaillir la femme avant de faire régner un silence pesant dans toute la maison, dont on pouvait pourtant encore entendre l'écho rebondir sur les murs plusieurs dizaines de secondes après le tir. Personne n'osa ouvrir un œil, si ce n'est le soldat lui-même qui considérait son arme avec stupeur. Une main s'était posée à l'extrémité de son canon, le bouchant. Le coup était parti, avait traversé la main, perdant au passage assez de force pour que la balle n'atteigne pas sa cible. Alors le soldat sembla décontenancé, troublé. Il voulut d'abord rengainer son arme et s'en aller, mais une espèce de fierté l'animait. Comme s'il voulait lancer un défi au destin, lui donner une pichenette, montrer qu'il restait fier et digne, haut et droit.

Lentement, il ajusta à nouveau son arme sur la femme en rejetant vigoureusement la main qui s'interposait entre lui et sa cible. D'une main tremblante, il épongea son front gorgé de sueur. Son œil fuyant semblait chercher désespérément une aide extérieure qui pourrait le sortir de cette situation qu'il trouvait, curieusement, de plus en plus pénible au fur et à mesure que la peur l'envahissait. A cet instant précisément, l'espace de quelques secondes, il aurait voulu remonter le temps pour ne pas entrer dans cette maison. Mais le temps, lui, préféra poursuivre sa course d'une langueur interminable.



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Je pris mon chapeau et sortit de mon petit appartement que j'occupais maintenant depuis plusieurs années. Aujourd'hui, j'allais voir ma femme, comme tous les après-midis. Il fallait pour cela que je marche longuement, que je traverse le quartier, prenne un ou deux raccourcis, emprunte quelques parcs. Mais je savais qu'elle m'attendrait. Elle m'attend à chaque fois. Elle s'apprêtera à recevoir des fleurs, toujours les mêmes, que je passe prendre chez le fleuriste en bas de chez moi, qui, maintenant, me connait bien. Puis nous bavarderons à l'ombre d'un arbre.
Je poussais le large portail avant de balayer l'endroit du regard, cherchant dans les allées si je la voyais. Je la vis. Je ne m'étonnais plus de la voir tout le temps à cet endroit-là, qui était donc devenu notre lieu de rendez-vous habituel.

Je m'approchais d'elle, m'accroupis et lui dit à voix basse :

-Je t'ai apporté des fleurs.

Elle sembla les considérer sans une once d'humeur. Accoutumé de ses indifférences, je les posais donc à côté des autres, celles des jours précédents. Elle les conservait toutes, et elle serait bien capable de garder les plus fanées si je ne venais pas pour les retirer. Alors je lui parlais, et elle m'écoutait ; je m'approchais d'elle, et elle ne bougeait pas ; j'essayais vainement, encore, de lui faire provoquer un sourire, un regard, mais elle ne bronchait pas. Comme d'habitude, c'était le lot quotidien. Elle écoutait, c'est tout.

Lorsque nous nous fûmes tout dit, je me relevais péniblement et lâcha une larme. Ce jour-là, il y avait un ciel sans nuages et la chaleur était étouffante. Je levais ma main vieille et ridée au-dessus de ma tête pour me cacher des rayons du soleil, qui traversèrent alors le petit trou fiché dans le creux de ma main, avant de se déposer sur ma poitrine.


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