Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Osaka no way


Par : Gregor
Genre : Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 1


Publié le 11/04/2010 à 08:44:52 par Gregor

Une des rares nouvelles ayant pour thème l'amour que j'ai écrite (celle ci, c'était pour un concours dont les mots thèmes étaient pluie et valse). Il y aura une autre partie, mais je préferais couper en deux pour plus de confort ...

Bonne lecture :-) .










Premier Mouvement.

Il faisait chaud ce soir-là. L’après-midi, flegmatique, achevait de distiller ses lourds effluves d’essences et de benzènes, dans l’air irisé d’ozone. La fraicheur fugace, rare en cet été, tentait de pénétrer le moindre tissu, la moindre pierre, mais, hélas, il n’y avait guère que la pluie pour accepter cette étrange notion.
Il faisait chaud, et Paul, lui, fumait. L’avion connaissait un important problème technique. Escale forcée, descente au sol, et puis attente longue. Paul n’aimait pas ces attentes. Paul n’aimait pas les escales imprévues. Mais surtout, Paul n’aimait plus Osaka.
Un vent moins lourd que l’air gras du tarmac souleva quelques mèches de ses longs cheveux bruns. Des cendres volèrent un peu plus loin, une feuille de journal voulut s’accrocher aux jambes du jeune homme, mais se perdirent au loin.
Pourtant, ce journal ne voulait rien. Paul le rejetait, comme il rejetait tout ce qui pouvait le lier à Osaka. Un « je t’aime, moi non plus » excessif, déraisonnable, poussé jusqu’aux derniers de ses retranchements. Jusqu’à la folie, jusqu’à la mort.
Il aurait été facile de croire que Paul était capricieux, mais il n’en était rien. Lui qui donnait chaque jour de sa maigre existence à faire battre les cœurs, dans cette musique exubérante qui venait de l’ouest, voilà qu’il venait de perdre le sien.

Une dernière danse, sur le trottoir devant le Shinichi Subaku Hotel. Danielle sur ses pas, en trois temps. Un pas, deux pas, trois pas, quatre pas.
Elle danse.
Il pleut.
Il fait chaud ce soir-là.


Deuxième mouvement.

C’est un fait. Danielle n’a fait que jouer la part de son contrat : donner du plaisir. Peut-être qu’il l’a choisi pour son prénom, très en vogue il y a vingt ans au Japon. Elle ne portait qu’une simple jupe coupe droite, agrémentée de quelques sérigraphies imitation comics, chatoyants, qui dansaient au rythme des néons du port.
Danielle ne l’a jamais trompé, puisqu’elle vend son corps. Au début, forcément, Paul fut réticent. Il n’avait jamais payé pour coucher, s’arrangeant toujours pour ne pas avoir à marcher sur les limites de ce « toléré-illégal ». Danielle l’avait senti très vite, alors, elle tenta de le rassurer, au début.
Il ne parlait pas un japonais correct, tout juste quelques mots mal prononcés, mais son anglais était impeccable. Elle s’en accommodait, habitué à ce genre d’homme.
Sa chambre à elle, cela ne lui convenait pas. Alors, un taxi était venu les chercher, pour remonter vers la vieille ville. Paul résidait dans un petit hôtel très simple depuis une dizaine de jour, avec une vue magnifique sur le vieux château d’Osaka. Elle ne lui dit pas qu’elle était déjà venue ici, pour d’autres clients. Après tout, c’était son métier.
Paul s’était allongé. Il devait être deux heures du matin, et dehors, une pluie dense rendait les lumières de la ville moins agressives. Il n’aimait pas toute cette eau, qui salissait les carreaux de la fenêtre. Elle, elle n’y faisait même pas attention.
Paul la laissait faire. Elle glissa la main sous sa chemise, remontant sur sa poitrine, sans rien dire sur sa maigreur et les cotes fines qui saillaient sous ses doigts, désagréables. Toujours silencieuse, elle dégrafa la cravate noire, les boutons de la chemise, et les premiers passant de la ceinture en cuir. Paul la regardait, presque frigide. Elle tenta de lui procurer du plaisir, mais la main de Paul l’arrêta.
- Je voudrais juste parler … Je ne veux pas faire l’amour. Mais rassure-toi, je paierais.
- C’est comme tu veux, lui susurra-t-elle au creux de l’oreille.
Mais elle était effrayée. Son sourire doux masquait bien le doute qui surgissait en elle. Était-ce encore un de ces pervers européen, qui, parfois, tuaient une des ses amies ?
Tandis qu’elle se questionnait encore, Paul se releva et se saisit du magnétophone qu’il rangeait avec son violoncelle. La gueule noire et béante de la machine se referma sur une cassette rayée d’un enregistrement hésitant d’une valse de Strauss.
Il lui prit la main.
Elle se laissa faire.
Torse nu, il la guida. Ses gestes précis et lents, contrebalancés par l’assurance de ses pas, la rassurèrent aussitôt.
Ils dansaient. Ils valsaient. Et même si elle n’avait jamais eu l’occasion de prendre de cours, faute de moyens et d’envie, elle … elle s’autorisait de la confiance entre ses doigts.
Elle voulu glisser une main contre son torse imberbe, pour sentir battre son cœur, mais sans violence il la ramena à ses yeux, à leurs pas, à la musique.
- Tu aimes ?
- Oui, se contenta-t-elle de répondre.
Une flamme vive brulait au fond des prunelles de Danielle. Comme si un vieux rêve se réalisait enfin. Que l’espace d’un instant, elle redevenait une femme, l’égale d’un homme qui avait su ouvrir son esprit.
La vérité était cruelle. Danielle, jeune, espérait une autre vie. Une vie où elle pourrait danser sur des scènes et non des corps. Quand bien même la valse ne l’avait jamais intéressée, elle commença à songer que cette danse lente et majestueuse pourrait l’en sortir.
La cassette s’emballa.
Paul soupira, la lâcha sans grande considération, et arrêta le magnétophone devenu fou.
- Je crois que ce sera tout pour ce soir, lâcha-t-il alors qu’il rembobinait la cassette, sans même regarder Danielle.
- Demain à la même heure ?
- Parfait.
Elle sortit en silence de la chambre, et lorsqu’elle se retrouva enfin seule dehors, se laissa sangloter sous la pluie.


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