Note de la fic : Non notée

Les airs fannés du temps


Par : Gregor
Genre : Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 1 : Ouverture


Publié le 05/09/2010 à 22:59:04 par Gregor

« Qui détient les secrets de l’âge d’adulte ? Qui, s’il existe, et pourquoi ? Est-ce une question, ou bien une affirmation ?

Etre adulte, c’est quoi ?

La chose parait facile, factuelle, presque évidente. Comment, moi, je passe du statut de celui d’enfant à celui d’adulte, de celui d’être hétéronome à celui d’autonome. Doit-on compter les printemps sur les doigts des mains, deux fois, trois, peut-être quatre ? Je n’en sais rien.

Des Hommes le sont, d’autres non. Alors, serai-ce un choix, au final ? Je ne sais pas. Personne ne sait. Personne ne le sait, mais tout le monde le sent.

[titre à placer]

1. Des pianos. 12 aout 2008.

Ma vie se résumerait à tellement de détails, que je ne voudrais pas, encore une fois, énumérer. Je pourrais me tenir assis, au rebord d’une fenêtre, penchant la tête en avant dans la chaleur étouffante d’une après-midi de Juillet. J’ai toujours aimé le soleil, d’aussi loin que je m’en souvienne. La douceur des rayons au travers des tissus, la lumière cru qui brûle les yeux et joue avec les couleurs, les textures, ricochent absolument partout et transforme le tout en une beauté proprement blufante.
Je pourrais aussi être ce jeune homme, déguindé, se tenant debout sous un abribus sale et puant, dans la morsure humide d’un novembre trainant. Là, quelque part à attendre que ma vie passe, que je m’y embarque, pour tout changer.

J’aime le changement.
Le neuf, la curiosité. L’inattendu, la surprise. Ce qui change soudain l’ordinaire en un objet unique, une prise de vue totalement relative qui se fige dans les esprits à tout jamais. Le changement est mon opium, et l’habitude le poison sale qui me nourrit tout en me tuant. C’est d’une banalité affligeante en y repensant. Une banalité que je n’aime pas. »


Il referma le journal au cuir grossier d’un geste sûr, soupira et allongea ses bras au dessus de sa tête. Elle avait eut une excellente idée en lui offrant ce support, voilà à présent cinq jours. La semaine, éprouvante, ne lui avait qu’à peine laissé le temps nécessaire à sa vie ordinaire. Sa routine de professeur d’anglais, de cours assommants de stupidités, de dialogues impromptus entres collègues, de trajets ennuyeux et de soirées ternes, entre deux copies à corriger.
Enfin, le week-end était arrivé quelques heures auparavant. Il s’était attelé à la tâche d’entamer ce journal, dans le vain espoir de le mener à terme, ne serai-ce que sur une année. Le papier vélin sentait le chlore asséché, grisant au travers de son odorat des réminiscences d’étudiant.
Voilà des années qu’Arnaud rêvait de pouvoir coucher sur papier le récit de sa noble vie !
Il avait à peine noirci quelques recto et versos à présent, dans des intrigues improbables qui le distrayaient à peine quelques heures.
Cette maitrise du verbe l’intéressait, le rendait maitre d’un temps, d’un lieu et d’un acte tout aussi possible qu’improbable. De là à affirmer qu’il concevait l’écriture comme autre chose qu’un passe temps …
Agathe lui avait servi une tasse de café voilà une bonne heure. Il l’avait dédaignait, et à présent, son contenu ténébreux s’était bien trop refroidi pour qu’il l’apprécie. De dépit, il huma le contenu du mazagran - une pièce de céramique industrielle jaune à l’intérieur et bleu roi à l’extérieur, à l’anse brisée – et le reposa aussitôt, une moue contrite lui barrant le visage. Il hésita à appeler sa compagne, se lever pour réchauffer le breuvage au micro-onde. Ou bien … Ou bien, ne rien faire. Oui, il savait très bien ne rien faire, encoure que dans cette situation, il pourrait justifier cette procrastination avancée par le fait qu’il « écrivait à bon rythme ». Qui le lui aurait reproché ?
Le mazagran demeura donc à cette place ingrate, coincé entre un écran d’ordinateur, divers documents administratifs, un pot à crayon vide et un calepin à demi-griffonné par un enseignant décrépi.


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