Chapitre 1 : Missing Memories

Noir.

Noir.

Noir. Et sensations. Désagréables. Le sol, dur et froid sous son dos. Et le silence, dur et froid à ses oreilles. Ses paupières tremblèrent, puis s'ouvrirent. Les pointes menaçantes d'immeubles se dressant vers le ciel gris et clair s'offrirent à sa vue. L'odeur déplaisante de la pollution mêlée à celle plus subtile de l'iode monta à ses narines. Un goût désagréable habitait sa bouche, la lui rendait pâteuse. Le goût du sang.

Le réveil, difficile, apporta son lot de questions à la jeune femme. Ses pensées se perdaient : pourquoi était-elle ici, que s'était-il passé, où était-elle, où était-elle bon sang, et pourquoi ne se souvenait-elle de rien ?

Encore sonnée, tous les membres de son corps endoloris, elle se redressa lentement en position assise. Elle se trouvait dans une rue à sens unique, assez large et bien éclairée. Rien de particulier. Hormis un détail : l'absence totale de voitures.

Une douleur vive au sommet du crâne coupa court à ses interrogations. Par réflexe, elle porta la main à sa tête et l'ôta immédiatement avec un petit sifflement de douleur. Du sang. Du sang coagulé par-dessus une plaie qui semblait mesurer une bonne demi-douzaine de centimètres. Du sang qui collait ses cheveux blonds, longs et ondulés les uns aux autres.

Mais quelque chose inquiétait plus encore l'adolescente : rien lui revenait à l'esprit. Pas la moindre chose. Avec une angoisse croissante, elle essaya de fouiller au fond de sa mémoire, de se rappeler de quelque chose, la raison de sa présence ici, un événement récent, pourquoi était-elle blessée… Rien ! Pas même son propre prénom ! Le souffle court, gagnée par la panique, elle se redressa d'un coup. Elle regretta aussitôt cet acte lorsque le monde se mit à tournoyer autour d'elle. Puis les choses redevinrent claires et elle tâta ses poches, à la recherche de quelque chose, n'importe quoi. C'est alors qu'elle se rendit compte qu'elle avait un sac à dos sur les épaules.
Le retirant, elle l'ouvrit et passa en revue tout ce qu'il s'y trouvait. Elle en sortit un ordinateur portable, quelques vêtements, beaucoup de papier accompagné par quelques stylos, deux ou trois choses dans le fond qu'elle considérait sans importance et enfin, ce qu'elle voulait depuis le début : un portefeuille.

La bouche sèche – et toujours emplie de ce goût immonde –, elle regarda à l'intérieur. Il y avait de l'argent – des livres sterlings, des dollars et des euros principalement – mais aussi un visa et une carte d'identité, qu'elle saisit.

Elle s'appelait Juliette Douglade et était de nationalité française. Sa date de naissance était aussi inscrite sur le document, mais ne parvenant pas à se souvenir de l'année courante, elle ne put déduire son âge. Toutefois, il lui semblait qu'elle était majeure.

Mais lorsqu'elle vit la photo sur la carte, une crainte la saisit. Et si ce n'était pas elle ? Voulant s'assurer qu'elle ne se trompait pas, qu'elle n'était pas en train de se prendre pour quelqu’un d'autre, qu'elle ne devenait pas folle en plus d'être amnésique, elle lança des regards autour d'elle à la recherche d'un endroit où elle pourrait se voir. Elle porta son choix sur la vitrine du magasin proche d'elle. Ramassant le sac dans lequel elle avait remis les affaires, elle alla dans cette direction et, avec méfiance, s'approcha de la vitre. Un profond soulagement l'envahit quand elle vit son reflet : tout d'abord, la fille en face d'elle était la même que sur la photo. Et ensuite, elle s'était reconnue. Elle avait su que c'était elle.

Elle s'examina. Ses vêtements, qui soulignaient de manière élégante les traits soignés que lui avait donnés la nature, était déchirés par endroits et sales, tâchés de boue et de sang. Son corps lui-même souffrait de quelques égratignures. Et quelque chose la perturba. Mais elle n'aurait su dire quoi. Un détail qui la gênait. Elle s'approcha pour détailler plus nettement son reflet. Et elle comprit ce qui n'allait pas. Ou du moins ce qui attirait son attention. Elle se souvenait de la dernière fois qu’elle s'était vue réfléchie dans une glace. Elle ne saurait dire où, ni avec qui, mais une chose était certaine.

Cette fois-là des gens avaient essayé de la tuer.