Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Adenmu : "Et Yuukan tombera..."


Par : Pseudo supprimé
Genre : Action, Fantastique
Statut : C'est compliqué



Chapitre 3 : Un mauvais rêve


Publié le 19/08/2013 à 01:11:32 par Pseudo supprimé

Marlik soupira en jetant son journal dans le feu. Déjà une semaine que le meurtre s'était produit, et pourtant ce triste événement était toujours l'objet de nombreux articles ; les gens en parlaient au marché, ou le soir, dans les tavernes. Bien sûr, les assassinats étaient monnaie courante à Ukabu Sud, certains bien plus brutaux et sanglants que celui survenu chez le vieux Lutin, mais quelque chose inquiétait les inspecteurs.

D'après les témoignages recueillis auprès des clients et des habitants alentours le lendemain du crime, ainsi que l'autopsie du joueur de Yern, Neki n'avait pas été assassiné par un criminel classique, fût-il un bourreau expert et sans merci au service d'un grand de la pègre ukabienne. Sa méthode d'action était différente de ce qu'on connaissait dans la cité du Nord, ses gestes révélaient un entraînement tout autre que celui des grands tueurs en série de la ville. Car il s'agissait bien d'un tueur professionnel, là-dessus tout le monde était d'accord.

L'affaire avait subi une grosse médiatisation et bientôt de sombres rumeurs commencèrent à courir les rues. On parlait d'un attentat perpétré par l'un des Trois, les villages ennemis normalement tenus par un traité de paix. Gensou, Mahou ou Chikara ? C'était la question que tous se posaient, car il ne faisait plus aucun doute que le tueur était un de leurs soldats. Des guerriers durement entraînés et maîtrisant les techniques les plus meurtrières, des armes impitoyables aux mains des Trois. Des shinobis. Les autorités ne se risquèrent pas à donner un point de vue aussi marqué, mais à force de sous-entendus, les Ukabiens finirent vite par comprendre leur avis réel.

« L'attention est toujours focalisée sur l'affaire à ce que j'ai entendu. C'est vrai ? » questionna Patrin Offelir, un grand homme avec une moustache brune taillée en pointe et un grand chapeau à plume.
« Hélas, oui, ça va pas être bon pour les affaires de notre bon vieux Lutin.
- Ça reste à voir. Justement il se pourrait que ça soit l'inverse qui se produise. Avec cet événement, on risque d'être envahis de curieux bavards et bruyants »
Marlik sourit amèrement. Le « Comptoir du Lutin » devait rouvrir le soir même, mais chacun se demandait si l'assemblée pourrait retrouver sa joyeuse insouciance lors des nuits passées chez le vieil homme.

Celui-ci semblait profondément choqué par ce qui s'était déroulé dans son établissement. Il dormait peu, et d'un sommeil perturbé, ne mangeait quasiment pas et passait de longues heures dans son fauteuil à marmotter des choses incompréhensibles. Ses amis se relayaient auprès de lui et c'était Belk qui était actuellement avec le vieillard dans la cuisine. Ces deux derniers jours son état s'était cependant amélioré et, si il ne parlait toujours à personne d'autre qu'à lui-même, il répondait parfois par de brefs signes avant de replonger dans ses marmonnements angoissés. C'est ainsi qu'il avait fait savoir son voeu de reprendre du service ce soir-là. Akem et quelques uns de sa bande avaient promis de l'aider.

Dans la salle de restauration se trouvaient donc Marlik et Patrin, mais aussi Remin et les deux vieilles soeurs Arghat et Meria.

« C'est vraiment pas normal que ce qui s'est passé fasse autant de bruit, à mon avis le blondinet était bien plus qu'un quelconque flûtiste. » dit cette dernière.
« J'en suis quasiment sûr également, répondit Patrin, peut-être que je me trompe mais la victime devait être quelqu'un d'important. Pourtant quasiment personne ne le connaît.
- Quelqu'un des services secrets peut-être ? intervint Remin.
- Possible. C'est même la seule option que je vois si on reste dans l'idée de la victime importante mais inconnue du grand public.
- Et sinon t'as quoi d'autre en tête ? » questionna Marlik.

Offelir se gratta le menton en marmonnant. Il réfléchit plusieurs longues secondes avant de reprendre la parole.

« Peut-être qu'ils veulent couvrir d'autres nouvelles, ou alors... non je pense vraiment que notre hypothèse est la bonne. La question est : quel intérêt gagnent-ils à faire ça ? »

L'homme au chapeau s'assit sur un petit tonneau et se plongea dans ses pensées. C'était un homme très cultivé et doté d'une excellente intuition. Il avait fait une brillante carrière d'architecte puis passé presque dix ans à voyager à-travers Yuukan, et même au-delà, dans les îles ikariennes.

« Je pense, reprit-il après deux bonnes minutes de réflexion, je pense que ce qu'ils souhaitent, c'est alerter les responsables. En jetant cette affaire au public, ils affirment ne pas compter laisser passer ça, et à mon avis, s'ils ont pas encore trouvé qui était à l'origine du meurtre, ils n'en sont pas loin... Quand les révélations vont tomber, Ukabu disposera d'un soutien immédiat et sans doute conséquent. »
Marlik l'interrompit :  «  Un soutien contre quoi ? »
« Pour une fois tu aurais mieux fait de t'intéresser aux badins, jeune homme, car ce que disent les gens, c'est que l'un des Trois a envoyé un shinobi assassiner Adeim Neki, et moi je suis d'accord avec eux. La plupart le pensent pour des raisons stupides, mais vu la tournure que prend cette histoire, je crains que les rumeurs ne soient vraies. Ukabu Nord n'aurait pas réagi de cette façon si c'était un coup des gangs, il n'auraient pas laissé planer ainsi le doute. Quelle autre piste aurions-nous que les trois puissances militaires de Yuukan, assoiffées de pouvoir et muselées par un traité fragile ? »

Le silence tomba sur la salle. C'était là de bien sombres suppositions mais si Patrin Offelir, le clairvoyant, le rusé, était de cet avis, c'est que la question méritait d'être étudiée. Le petit comité s'échangeait des regards inquiets tandis que l'homme au chapeau fixait le sol, perdu dans ses pensées.

« Et les Yuken ? »

Alors que l'ambiance ne semblait pas pouvoir être plus maussade, ces trois mots l'alourdirent bien plus encore que tout ce qui s'était dit auparavant. C'était la vieille Arghat qui avait posé cette question, elle qui avait osé parler de ces barbares venus du Sud-Est, qui assaillaient les côtes depuis maintenant plus d'un an.

Alors que tous les regards se tournaient vers elle, la petite femme poursuivit timidement : 
« On sait tous de quoi ils sont capables. Ils ont des guerriers aussi habiles que les shinobis, et rêvent de remettre la main sur le pays. Les attaques ont cessé depuis près de deux mois, qui sait si c'est pas eux qui préparent un sale coup ? 
- Je pense que le Patrin y a réfléchi, soeurette, et si il n'en a pas parlé, c'est qu'il juge pas la piste valable »
L'intéressé prit de nouveau la parole : 
« Le conflit avec les Yukens est tout ce qu'il y a de plus ouvert. Si les autorités avaient pensé qu'ils étaient les commanditaires, ils l'auraient clamé haut et fort et demandé l'aide des Trois. Cependant il est vrai que la situation sur la côte risque de dégénérer si on ne fait pas quelques chose rapidement...
- C'est vrai. Je l'ai déjà dit à certains d'entre vous mais quand j'étais à Chikara, le mois dernier, on m'a raconté ce qu'il advenait des pauvres habitants des villages côtiers... et je préfère ne pas le répéter..."
Le visage de Marlik se crispa, puis il reprit :
« Mais en plus de ça, j'ai entendu pas mal de choses sur eux. Paraît que leur chef s'est fait tuer.
- Tuer ? Mais par qui ?
- Par un des leurs, un type d'à peine mon âge l'a abattu comme un chien et a pris sa place. On dit qu'il est bien plus puissant et cruel que l'autre, et qu'il ne se contentera pas de quelques raids sur la côte. Lui, il veut conquérir Yuukan tout entier. On l'appelle l'Enfant Rouge. La vieille Arghat a raison de s'inquiéter.
- Ça s'est passé quand ? Questionna Offelir.
- Il y a six mois d'après ce qu'on m'en a dit.

L'ancien architecte fronça les sourcils mais ne répondit pas. Six mois, c'était assez pour que le nouveau chef des Yukens ait mis au point un plan et commencé à l'appliquer. Le meurtre d'Adeim Neki arrivait bien mal en vérité, car un Yuukan divisé ne résisterait sûrement pas aux assauts des soldats de l'Enfant Rouge...


Dans la pièce d'à-côté, le grand Belk veillait toujours à côté de son ami. Les moments de lucidité de celui-ci s'étaient fait beaucoup plus rares ce jour-là que ceux d'avant, et, derrière ses petites lunettes jaunes, Belk se demandait s'il serait en état de tenir l'établissement pour la soirée, même avec l'aide des jeunes du Merigan. Assis dans son fauteuil fétiche, en face du grand homme, le Lutin dormait. Ses mains étaient crispées sur les accoudoirs de cuir et il murmurait des paroles inintelligibles.

Belk soupira et se leva pour grignoter un bout de gâteau. Puis il s'assit sur un tabouret haut tout en mâchonnant sa dernière bouchée. Il tourna la tête vers le Lutin et se rendit compte que celui-ci parlait plus fort que d'habitude. Après s'être rapproché du vieil homme, il constata qu'il pouvait décrypter quelques mots du flot incessant de marmonnements qui sortait de la bouche de son ami. Il baissa la tête et se concentra sur son écoute.

« ... début... bien... rouge... guerre... prenant... printemps... cratère... exil... le... forme... aah... fermé... montagne... en-dessous... en-dessous, non, l'Ombre, le masque, l'Ombre, non, NON !! »

Le grand Belk releva brusquement la tête et se rendit compte que le Lutin avait ouvert les yeux. Il tremblait de tous ses membres.

« Ça va aller. Ce n'était qu'un mauvais rêve. Tout va bien, vous m'entendez ?"
Le vieillard posa un regard apeuré sur son ami ; cependant il semblait avoir recouvré tous ses esprits. D'un geste, il demanda à Belk de l'aider à se lever. Celui-ci s’exécuta et guida le vieil homme vers la porte, totalement abasourdi.
« Hé, Lutin, pourquoi vous vous agitez comme ça ? Il faut vous calmer on va vous aider pour ce soir. Vous feriez mieux de rester assis et de tout me raconter. »
Le vieil homme à la veste verte se frotta les yeux et leva la tête vers son ami. Il réfléchit quelques secondes, choisissant ses mots avec soin avant de répondre :
« Belk, dit-il, je vous remercie énormément de l'attention que vous m'avez porté durant ces quelques jours. Mais... je dois me remettre au travail, me changer les idées. Ce que j'ai vu mon ami... je préfère l'oublier. »


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