Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Je trouve plus mon bras


Par : Sheyne
Genre : No-Fake, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 2 : Chapitre 2/5


Publié le 15/01/2014 à 23:35:58 par Sheyne

La porte claqua violemment. Loyd déboula sur la terrasse, la même marmite que tout à l'heure dans les bras, cette fois-ci pleine de glace. Adossé au mur, Marc triturait son paquet de cigarettes, n'osant visiblement pas en fumer une après ce qui venait de se passer. Il semblait tendu dans l'attente d'une autorisation, d'un signe, n'importe quoi qui lui accorderait une dose de nicotine dont il avait bien besoin après ce gros coup de stress.
Le fracas du métal retentit alors que l'énorme casserole écrasait la pierre. Légèrement calmé, Loyd s'assit à même le sol, dos contre la maison, à côté de son ami :

« Passe-moi une clope, mec... On s'en fume une, et puis on repart, on a pas encore vraiment commencé que déjà j'en peux plus.
— Tiens. — Il lui tendit le paquet — À propos de ce qui s'est passé tout à l'heure...
— N'en parlons pas, c'est bon, t'en fais pas j'ai presque rien. Je me suis emballé sur le coup. Tu m'as bien fait flipper aussi, il faut dire...
— Non, mais j'ai compris, c'est vraiment du sérieux. Je réalisais pas, je crois... Je pensais qu'on allait juste s'amuser, j'ai été con.»

Tout en allumant le tabac, Loyd regarda son ami. Arborant un air dépité, il s'en voulait vraiment. Alors, le jeune homme afficha un grand sourire, pour lui remonter le moral. Il tira sur sa cigarette, respirant le doux nectar d'un voluptueux goudron, avant d'entamer d'un ton joueur :

« Hey ! C'est bon, t'inquiètes ! Bien sûr qu'on va se marrer ! Là c'est sérieux, peut-être, mais ça nous empêche pas de rigoler, même si on doit respecter quelques règles de sécurité... c'est du simple bon sens. Puis... t'inquiète pas que ce soir on va faire tout exploser, ça sera une véritable tuerie !
— Ouais...»

Marc avala à son tour sa fumée. C'est vrai que ça allait être bien. Ce serait vraiment dommage d'abandonner alors que tout était fin prêt pour la réaction ! Ouais, ça allait réellement être génial !
Sa voix retentit, à nouveau enjouée :

« Ouais t'as bien raison ! On va s'y remettre, et on va faire trembler la terre, jusqu'aux fondations de cette maison !
— Carrément ! Ça va être violent ! Allé mon gars, on y va !»

Écrasant sa cigarette au sol, Loyd se releva vivement en se tapotant le derrière. Malgré ses grosses moufles, en remplacement des gants, il commençait à avoir froid. Il préférait ne pas rester sans rien faire. Alors, déplaçant la marmite au centre de la terrasse, il demanda à Marc de lui ramener tous les produits. Ce faisant, ce dernier entama :

« Hey, encore une chance que l'acétone et l'acide soient déjà concentrés en magasin, hein ?
— Ouais ! — Il saisit l'occasion pour se moquer gentiment – T'aurais ptétre même réussi à faire sauter la baraque, sinon !
— Moi au moins j'ai pas besoin de toutes ces réactions pour foutre le bordel !»

Sur cette plaisanterie, il pouffa en déposant les bouteilles près de l'énorme récipient.

« Et donc maintenant qu'on a tout concentré on fait quoi ?
— Bah là encore c'est pas très dur, mais il faut le savoir. J'estime qu'on a pu concentrer la solution de peroxyde d'hydrogène à environ 60%, et l'acétone que tu as acheté est pur. Or, à concentration égale, la réaction consomme moitié moins d'acétone que de peroxyde. Alors ici, on en met environ les mêmes proportions, car elle est presque moitié moins concentrée. On va faire un litre d'acétone et un litre de peroxyde, donc il restera un peu d'eau oxygénée. Mais c'est pas grave, de toute façon la réaction n'est pas vraiment totale. Le seul souci aurait été d'avoir trop d'acétone, puisque les cristaux peuvent se dissoudre dedans.
— Ok je vois. C'est pas mal chaud quand même, normalement faut faire un tableau d'avancement et tout là, non ? Et la glace, elle sert à quoi ?
— Là, ça se complique un peu, parce que la réaction est exothermique. C'est-à-dire qu'elle libère de la chaleur. C'est pour ça qu'on est dehors, car il fait bien froid.»

Puis, murmurant à voix basse, comme pour lui-même :

« Et aussi par ce que j'ai pas forcément envie que mes parents sentent l'acétone et l'acide à l'intérieur, en rentrant demain... L'eau oxygénée, passe encore, mais là les odeurs sont vraiment affreuses...»

Tranquillement, il prit une grosse casserole, et la plongea dans la marmite pleine de glace. Sa voix revint, cette fois plus forte et plus sûre d'elle.

« Enfin, bon, le fait est que la réaction doit être maintenue à moins de 10 degrés, sinon elle risque de s'enflammer, voire d'exploser. Et de plus, les vapeurs dégagées sont corrosives, tout comme tout à l'heure, donc on est carrément dehors là. C'est tout bon !»

Aussitôt, il se saisit du bidon d'eau oxygénée pour en verser un litre dans la casserole. Et, joignant le geste à la parole il vida d'un trait la bouteille d'acétone par-dessus. Marc recula, effrayé :

« Whoooo... Tu verses tout comme ça ? T'as pas dit que ça pouvait péter si ça s'échauffait trop ?
— Ah, ouais. Ses lèvres se relevèrent, amusées. En faite la réaction est extrêmement lente. En réalité si je me contentais de verser les deux ensembles, il nous faudrait rester ici dans le froid plus de vingt-quatre heures pour avoir quelque chose de potable. D'où l'utilité de l'acide.
— Oh, je vois... Il soupira. Le catalyseur c'est ça ?
— Yep ! T'as tout bon ! Par contre, c'est là que ça devient délicat...»

Fronçant les sourcils, l'apprenti chimiste déposa la bouteille d'acétone vide au sol, avant de saisir l'acide. Il déboucha lentement le réceptacle.

« Tiens, tu peux me passer la pipette, à côté de toi ?
— Euh, ouais, c'est quoi déjà...
— Le truc transparent en plastique à tes pieds. Pour prélever l'acide. — Loyd plaisanta en tirant la langue — T'as jamais été en chimie ou quoi ?
— Disons qu'il m'arrive de pas y aller, oui. Tiens-la voilà. Donc le catalyseur faut pas en mettre beaucoup non ?
— C'est exactement ça ! Sinon j'aurais pu verser directement. Mais ici, enfaite le but est d'accélérer la réaction, sans qu'elle soit non plus assez rapide pour dégager trop de chaleur. Car sinon elle risque de passer au-dessus de 10°C. Tu comprends ?
— Ouais carrément je pige tout ce coup-ci ! Il te faut un thermomètre non ?»

Marc ramassa l'objet devant lui, et le tendit à son camarade. Agenouillé devant le montage de fortune, Loyd était ébahi. Il le félicita tout en le positionnant dans la casserole :

« Tain, j'ai même pas eu le temps de te le demander quoi ! Tu gères !»

Saisissant la spatule à côté de la marmite, il se mit alors à touiller la mixture d'une main, afin qu'elle colle bien aux parois, et se refroidisse plus rapidement. Dès qu'elle passa en dessous de 5°, il enfila un masque de plongée pour se protéger des vapeurs.
Alors, tentant de ne pas penser à la classe improbable qu'il avait, ainsi accoutré, il plongea la pipette dans la bouteille d'acide chlorhydrique. Il se faisait vraiment l'impression d'un véritable chimiste, et il adorait ça.
Tout en remuant les réactifs, il laissa chuter une goutte dans la casserole, attendit deux minutes, et en lâcha une autre. À mesure que les gouttes plongeaient dans la masse tourbillonnante, de puissants grésillements s'ensuivaient. Bientôt, la réaction commença à produire de la vapeur, geysers brulants, plus ou moins contrôlés par la glace.

La température s'éleva bien vite aux alentours de 9°. Voyant cela, le jeune homme déposa la pipette au sol, et continua à touiller. Le masque, et le couvre nez sur son visage, lui donnaient une voix nasillarde. :

« Le pire, commença-t-il, c'est qu'on en a pour un peu plus de deux heures là. Mais après ça, t'inquiètes, on aura plus rien à faire qu'attendre en jouant à la play au chaud !»

Tandis que la buée gagnait le plastique devant ses yeux, il scrutait le thermomètre en attendant que la température redescende. Ceci fait, il reprit sa pipette, et recommença l'opération, sans jamais cesser de remuer la solution.
Rapidement, son poignet commença à s'échauffer. Il sentait la crampe venir. Alors, il demanda à Marc de venir le remplacer :

« Tiens mec, regarde à côté de moi, il y a des lunettes de piscine. Mets-les et prends la spatule.
— Quoi ? Pour avoir la classe comme toi ? Non merci !
— Allé, je suis pas si horrible que ça. Bouge-toi, touille à ma place. La température remonte, j'ai plus assez de force.
— Pas si horrible ? T'as pas vu ta dégaine, gars !»

Rouspétant, il mit ses lunettes en place, et remplaça Loyd. Celui-ci se leva, soupirant de contentement :

« Ohhh, oui, putain ça fait du bien de se dégourdir les jambes ! J'ai enfin l'impression de respirer ! Pour les lunettes, tu me remercieras plus tard. Je vais pisser, j'en peux plus !
— Ouais c'est ça, casse-toi !
— T'inquiètes, je suis pas loin, surveille bien le thermomètre, touche pas à l'acide, et peut être que tu vas pas mourir !»

Marc éclata de rire, stressé au possible :

« Si tu le dis ! Bouge-toi quand même, j'ai pas envie de faire une connerie...»

En un instant, il se retrouvait tout seul, lui qui n'avait jamais été capable d'en foutre une en chimie, lui qui foirait toujours ses mélanges. Seul, avec une solution capable de lui exploser au visage. Ce n'était pas franchement rassurant.
Son bras s'agitait, remuant la spatule, les yeux rivés sur le thermomètre. Deux minutes passèrent. Il s'arrêta une seconde pour souffler : sa tête lui tournait. Se passant les mains sur le visage, il soupira. Son bras le lançait déjà. Le regard rivé sur la porte, il attendait en vain que son ami revienne. Grosse commission sans doute. D'ailleurs, lui aussi commençait à avoir envie de pisser. La peur au ventre lui appuyait sur la vessie.
Évacuant le stress, il se massa lentement le poignet. De la fumée se condensait sur ses lunettes. Loyd avait eu bien raison enfaite, si c'était vraiment des produits dangereux, il avait plutôt intérêt à ne pas les enlever... Ce mélange était vraiment infâme ; en plus de faire de la vapeur, il se mettait à grésiller et l'empêchait de se concentrer...

Soudain, une pensée effrayante lui traversa l'esprit. Et si Loyd ne revenait pas ? Et si il voulait juste se venger pour tout à l'heure ? Toutefois, un mouvement dans l'embrasure de la porte le ramena à lui.
Un skieur en combinaison de plongée s'avança :

« Désolé, commença le jeune homme, j'en ai profité pour mettre quelques habits en plus, tu devrais faire pareil. Mais...»

Au travers de son masque, son visage se tordait d'horreur :

« PUTAIN, MAIS TOUILLE !»

Assis à côté de la marmite, Marc se sentit mal. Sa tête vibra, il manquait d'air. Lentement, son corps bascula dans un silence macabre. Tombant en arrière, une seule image, confuse, transperça le voile qui tombait devant ses yeux. « Quinze degrés... c'est pas assez pour se baigner... c'est trop pour la potion magique.»


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