Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Sunrise


Par : Sheyne
Genre : Action, Polar
Statut : C'est compliqué



Chapitre 12 : Chapitre 6 - 1/1


Publié le 15/01/2014 à 18:06:27 par Sheyne

Qu'est-ce que cette histoire pouvait bien vouloir dire ? Comment pouvait-on en être au courant que maintenant ? C'était insensé ! Impossible presque... Mais les faits étaient là. Ils étaient tous condamnés...
Il se souvenait de la rage lorsqu'on le leur avait annoncé... Se rappelait des pleurs lorsqu'ils l'avaient accepté. Tous réduits à la même condition. Des morts en sursis, voilà ce qu'ils devenaient !

Et maintenant, les autres ne le regardaient plus de la même manière. Lui qu'ils méprisaient avait bien remarqué le changement dans leurs yeux. Cette étincelle de fierté en moins, seule restait l'humilité... Tous acceptaient leur condition pour... peut-être... Survivre. La nature humaine était si pitoyable... Après tout, sans doute était-ce destiné à arriver ? Ne serait-ce que pour débarrasser le monde de sa gangrène ?

Derrière lui, le vrombissement des roues résonnait doucement, se faufilant sur les murs blancs, glissant, ondulant sans cesse. La NASA Headquarter était gigantesque de par la multitude de recherches qui s'y déroulaient. Néanmoins, depuis les années qu'il travaillait ici, rien n'avait plus de secrets pour lui.
Du moins, c'est ce qu'il pensait jusqu'alors...

Les portes défilaient, et il allait bientôt arriver à la salle de maintenance, son poste de référence. Il était le chef de son secteur, et avait pas moins de deux subordonnés, alors c'était la moindre des choses qu'il ait un bureau personnel. À vingt-six ans, il était au sommet de la hiérarchie. Il avait creusé sa carrière jusqu'à la moelle.
Certes cela avait demandé beaucoup d'effort... Mais quelle fierté d'annoncer à ses proches son double emploi cumulé de Technicien de surface, et de Responsable applicateur d'agents chimiques !
Bon sang ! Oui, ça, c'était de la réalisation personnelle !

Stoppant net son chariot, il fit face à une gigantesque porte à double battant. Bien plus grande, tellement plus imposante que les simples bureaux. Quand les pâles employés devaient se contenter d'une petite porte et d'un box, lui avait la chance d'avoir ses propres quartiers !

Saisissant les poignés de ses deux mains, il inspira fort, avant de l'ouvrir d'un seul tenant. Dans un éclat de lumière, tout fut dévoilé. Un majestueux placard à balais ( de taille tout a fait raisonnable ) trônait dans toute sa splendeur.

En faite, il n'était qu'un simple balayeur, travaillant sans relâche les matins et les weekends. Mais ce que personne ne savait, c'est qu'il menait en faite une double vie !
Le matin, il était technicien de surface pour le compte d'une entreprise au compte de l'État... Mais l'après-midi... L'après-midi, il étudiait !
S'il travaillait, il le faisait pour financer ses études, et peu de gens savaient qu'il était déjà bien plus qualifié que la moyenne des scientifiques. Alors pour tenir, il n'avait que son fameux sens de l'humour. D'autant plus dans une situation pareille...
Quand on se moquait de lui, il ne pouvait s'empêcher d'en rire. Voilà bien longtemps que les pics ne lui faisaient plus rien. Mais il savait rester humble. Après tout, un renvoi et s'en était fini de sa thèse.

Résigné, il secoua la tête en fermant le placard. De toute façon ils allaient tous y rester. Enfin, pas tous, mais lui tout du moins n'aurait jamais la chance d'être tiré au sort. Quel intérêt pourrait-il avoir à leurs yeux ? Alors, il allait finir ses jours comme balayeur, sans jamais avoir la possibilité de réaliser ses rêves. Il allait y rester. Dans si peu de temps...
Nul doute qu'il aurait démissionné sur l'instant s'il n'était pas enfermé. Il se voyait déjà le dire à ses collègues. Ses deux subordonnés se seraient retrouvés accrochés au mur, dans ce placard, peut-être pour toujours. Une serpillère et un balai, dansants ensemble pour l'éternité. Romantique non ?

À cette pensée, il fronça les sourcils. Romantique, en tout cas, ça l'était plus que toutes ces taches de peintures rouges sur le chemin. Rouge comme l'amour bien sûr... Rouge comme du sang. Il allait suer sang et haut... Ça allait encore être à lui de se taper tout le ménage. — À qui d'autre ? Il était seul. — Mais ça, il le ferait demain. Il était onze heures vingt-cinq, et son service avait fini dans moins cinq minutes. Ouais de toute façon il n’avait pas le temps, et comme il ne pouvait pas sortir, il allait passer l'après-midi dans le parc à discuter avec les animateurs d'espace vert, ses potes les jardiniers.

« Emilio !»

L'appel gronda comme un coup de tonnerre. Surpris dans ses pensées, l'homme sursauta. Cette voix, il la connaissait bien. Grave, mais respectueuse. Puissante, mais aimable. Sans doute un peu trop d'ailleurs...
Parvenant à son niveau, l'individu le saisit à l'épaule, et bien qu'il ne le connaisse absolument pas personnellement, il savait que c'était dans sa manière de faire. Mettre les gens en confiance, aussi simplement. Ou peut-être était-ce dû à un manque d'attention, ou encore une manière d'atténuer des remords ? Son visage d'une quarantaine d'années semblait respirer la tristesse, et malgré un costume blanc soigné, il semblait s'exposer entièrement.

Se fendant d'un sourire, le balayeur entama :

« Sous directeur !
— Je vous en prie, appelez-moi Elvin. J'aurais quelque chose à vous montrer. Si vous voulez bien vous donner la peine d'avancer.»

Écartant tranquillement ses bras, celui-ci lui intima de se mettre en route. D'un geste, tout était dit. Il ne lui restait plus qu'à le précéder.
En avançant, il ressassait ses pensées dans un profond silence ; il ne pouvait s'empêcher de songer à son travail minable. S'il n'avait aucune chance d'être sélectionné, alors qui se soucierait d'un balayeur coulant les deux dernières semaines de sa vie en paix ? Même s'il aurait aimé réaliser quelque chose de grand de sa vie, il était trop tard. À moins que...

« J'aimerais vous demander... Osa finalement Emilio, tout en regardant le sol défiler sous ses pieds.
— Oui ?
— Et bien, vous savez. Comme je ne suis pas ingénieur et...
—...Vous vous faites du souci pour votre place, c'est ça ? Devina-t-il aisément.»

Brusqué, le concerné se mordit les lèvres. Visiblement, il avait eu tort de s'en faire à ce sujet. Néanmoins, il ne pouvait se sortir une idée du crâne...
Il était, en effet, vraiment étrange qu'une personne aussi prisée vienne lui parler en privé. Parler à un simple balayeur. Il aurait pu envoyer n'importe qui s'en charger, mais il était venu en personne. Et la seule explication qu'il voyait était qu'il fasse le tour de tout le personnel lui-même. Oui... Lorsque l'on y réfléchissait, c'était même très probable.
Il n'y avait pas assez de tickets pour tout le monde. Alors pour calmer les tensions, il devait aller voir tout le monde, en privée, pour leur promettre ce Graal salvateur...

« Comme pour tous les autres, le tirage au sort déterminera si vous vivrez ou non.»

Un ton froid et cassant. C'était un sujet sensible...
Bientôt les couloirs cédèrent le pas à une vaste pièce dénuée de tout ameublement. Et lorsqu'enfin ils s'arrêtèrent, ce fut sous les yeux d'une fabuleuse baie vitrée. Alors, plongeant un nouveau regard compatissant dans le sien, le sous-directeur prit la parole :

« Voyez-vous ce bâtiment en face ? Peut être irez vous à l'intérieur... et peut être pas. Dans tous les cas, pour l'instant du moins, son accès vous est totalement prohibé. Ainsi, je ne pense pas avoir à vous rappeler ce qui vous attend si jamais vous cessez de donner de vous-même.
— J'ai cru comprendre, oui...»

Voyant que son interlocuteur cherchait ses mots, Emilio saisit l'occasion pour jeter une question :

« Il est en construction depuis seulement une semaine et mesure déjà plus de trois cents mètres de haut ? C'est quoi, votre secret ?»

Elvin sembla accuser la remarque :

« Contentez-vous de votre balai. Le reste ne vous concerne en aucune manière.»

Remballé sèchement, le technicien changea d'attitude. Sa voix se fit neutre, absente de toute émotion. Il avait eu ce qu'il voulait : sa chance. À présent il n'espérait qu'une chose ; prendre sa journée pour faire le tri dans ses pensées. Se faire engueuler ne faisait vraiment pas partie de son programme :

« Pourquoi vouliez-vous me voir ?
— Bien vu. Il salua la clairvoyance d'un demi-sourire attristé. L'intégralité du sous-sol de l'aile gauche vous est désormais interdite. Je vous prierais donc de me rendre le passeport.
— Je vois... Autre chose ?»

Mine de rien, c'était une sacrée bonne nouvelle. C'était même trop beau...
Tout en dégrafant l'une des trois cartes à sa ceinture, il se préparait mentalement à une nouvelle demande.

« D'imposantes quantités d'isotopes fissibles se trouvent dans les salles B1 à B5. Pour votre propre sécurité, nous vous épargnons leurs maintenances. Profitez bien de votre journée.»

Sur cette ultime déclaration, il s'en était allé, le laissant seul devant la baie vitrée.
À moitié choqué, il se mit à faire le point. Dans son malheur, il avait eu bien plus de chance que les autres. Il avait sa chance de vivre, lui... De plus, il aurait à bosser bien moins longtemps avec cette histoire d'aile réservée, et aucune famille à prendre en pitié, personne pour qui s'inquiéter. Les choses ne se profilaient pas trop mal en fin de compte. Et puis, si jamais il venait à s'ennuyer vraiment, il avait même quelques salles à visiter...

L'esprit léger, il remarqua à peine les hurlements hystériques, et les menaces de mort tentantes de les faire taire. Sur son chemin, l'intendance était en pleine ébullition.

« Ernerst ! Bouclez là, ou nous serons contraints de prendre des mesures !»

Ouais, c'était entrain de tourner au vinaigre... Mais bon, après tout, chacun ses problèmes. — petite vengeance personnelle — Intérieurement, il se moquait en repensant aux chercheurs, et ingénieurs, contraints de plancher à longueur de journée : pour avoir la même chance que lui, ils devaient travailler comme des forcenés. Alors en y repensant, quoi de plus normal qu'ils se mettent à gueuler ?

S'investissant d'une mission divine, il se résolut de profiter au maximum du reste de sa vie, ou tout du moins des deux semaines qu'il semblait tous leur rester. Profiter pour lui même, et puis aussi un peu pour les autres.

Après tout, lorsque l'on ne peut plus rien y faire, il est inutile d'avoir peur.

« Hey ! Hey vous là bas !»


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