Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)


Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 10


Publié le 31/12/2013 à 02:44:55 par Conan

Les hommes descendent la butte, en colonne, lentement. Tous se sont tus. Ils n'auront pas l'occasion d'entrer dans la ville : des dizaines de camions sont stationnés à ses abords, prêts à partir, et autours d'eux gravitent plusieurs centaines d'hommes en uniforme vert kaki, tenant leurs armes en bandoulière, le sac et la musette à leurs pieds. C'est le reste du 117ème d'infanterie.
-Il ne manque plus que nous. Murmure Berger.
-Comment ? Lui demande l'adjudant Gerbard, qui a succédé à l'adjudant-chef au poste d'ADU.
-Cinq minutes de pause, restez dans le coin. Je vais essayer de trouver le chef de corps.
Gerbard se tourne vers le reste de la compagnie :
-Pause clope ! Cinq minutes !

Louis se détache de la troupe et avance vers la nuée fourmillante verte dans l'espoir de trouver le meneur de cette bande. Il est suivi sans le savoir par Bernac, dont l'allure attire les regards des troufions qui ne sont pas occupés à jouer aux cartes sur le capot d'une jeep, marchander des cigarettes, ou manger une barre énergétique.

Mais c'est le chef de corps, qui trouve Berger et son homme de route, averti de la présence tardive de la tant attendue première compagnie. La seule manquant à l'appel pour le branle-bas de combat.
-Capitaine Berger ! S'écrie celui-ci du haut d'un balcon, dont le petit bâtiment gris auquel il est fixé est entouré de soldats adossés contre ses murs craquelés et branlants.
Le silence se fait. Un corbeau croasse. Le ciel est redevenu gris et lourd. Le capitaine lève la tête et agite la main vers son supérieur.
-Mon colonel ! Je monte !
-Comment ? Questionne l'homme chétif d'une cinquantaine d'années.
-Je disais que je monte !
-Non ! Restez-là ! Je descends ! Reprend-t-il de plus belle.
-Reçu !
-Comment ?
-Non, rien mon colonel !
Le vieux militaire baragouine quelques mots et clôt les volets ocre en s'enfonçant dans la pièce.
-C'est le grand manitou ? Demande Bernac, surprenant Berger qui se retourne vivement.
-Tiens, je n'vous avais pas entendu. Lui fait-il savoir en l'épiant de haut en bas. Oui, le colonel De La Jatte, chef de corps du 117ème d'infanterie. Et avant que vous ne vous laissiez tenter je vous préviens : pas de jeu de mots douteux.
Paul lève un sourcil interrogateur.
-J'ai peur de ne pas comprendre, mon capitaine.
-Ne vous en faites pas, ça ne saurait tarder.

La porte de la petite bâtisse s'ouvre, chassant les soldats rôdant autours comme un coup de balais chasserait des mouches autours d'un gâteau, dévoilant le colonel, son état-major au grand complet, et sa jambe de bois, claquant en un bruit sourd à chaque fois qu'il fait un pas en direction des deux hommes.
-Capitaine Berger, j'ai finit par croire que vous n'arriveriez jamais ! S'écrie l'officier supérieur en caressant sa petite barbiche blanche taillée en pointe au bout de son menton.
Berger le salue de manière très solennelle, en claquant des talons, avant de lui répondre.
-Ça a bien failli arriver, mon colonel.
-Comment cela ?
-Nous sommes tombés dans une embuscade tendue par des forces rebelles, à environ deux heures d'ici.
-Mais, vous avez rendu compte à la radio de votre situation ?
-Négatif, nous n'avons eu aucun moyen de vous contacter.
-Venez, entrez, asseyez-vous et racontez-moi tout ça. Invite La Jatte en accompagnant du bras le capitaine vers son quartier général.
Louis jette un regard en coin à Paul, qui est déjà en train de s'en retourner vers la première compagnie, dont les hommes ont eu tôt fait de se disperser et se mélanger au sein du reste des troupiers. Les retrouvailles entre camarades, les rires, les chants. Puis rapidement, la remarque que certains manquent à l'appel. Alors, les rires cessent, et tous se taisent. Seuls quelques-un continuent à parler. Ils racontent. Ils racontent ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont fait, ce qu'on leur a fait. Ils listent les noms des quinze copains qui ne reviendront pas. Ceux qu'on a laissés là-bas, sur ces volcans maudits. Ceux qui sont en train de pourrir dans le nuage toxique, et dont les plaies continuent de pleurer tout leur sang et leur misère.

-Vous voulez quelque-chose ? Un thé peut-être ?
-Je veux bien un café, si cela est possible.
-Bien sûr.
Le jeune sergent de l’ordonnance du colonel n'attend pas de recevoir d'ordre pour se diriger vers la petite cuisine au fond de la grande pièce de briques rouges qui occupe tout le rez-de-chaussée et faire couler un café noir et encore fumant dans une tasse qu'il sert à Berger.
-Merci... Comme je vous l'ai dit, mon colonel, nous avons été pris en embuscade par une vingtaine de partisans, il y a de cela deux heures. L'attaque m'a coûté quinze hommes, dont les plaques sont ici.
Il accompagne la parole par le geste en posant sur la table de bois la petite bourse de tissu, poisseuse du sang à présent sec des maleureux.
-J'ai aussi récupéré toutes les pièces d'identités que j'ai pu trouver sur les corps de nos assaillants.
-Vous n'avez pas de prisonniers ?
-Négatif. Ils ont tous été éliminés. Nous les avons poursuivis jusqu'à leur campement. Il semblerait que notre arrivée les ait surpris car ils n'ont pas, semble-t-il, pris la peine de trouver de meilleur endroit pour monter leur escarmouche.
-Qu'avez-vous fait de leurs corps ?
-Ils sont encore sur les lieux, avec ceux de nos soldats. J'ai pris soin à ce que mes hommes détruisent les armes restées là-bas afin qu'elles ne soient pas réutilisées par une éventuelle autre bande de pillards du secteur.
-Dans quel état est la zone sinistrée ? Vous êtes les seuls à y être passés depuis l'attaque chimique.
Le capitaine croise les mains. Il hésite, il cherche ses mots.
-Hé bien... C'est... C'est chaotique. Je pense qu'il n'y a pas d'autres mots. Tout a crevé, aussi bien les plantes que les animaux. Je n'ai jamais vu une chose pareille. Nos protections ont été suffisantes pour traverser la zone sans problème, et nos vêtements ont pu être épargnés par d'éventuelles retombées chimiques. D'ailleurs, mon DCC a relevé un faible taux de neurotoxiques dans l'air.
-Faible ?
-Faible par rapport aux dégâts qui ont été causés par l'ogive. Personnellement, cela ne m'étonnerait pas que d'autres agents aient été utilisés dans cette attaque.
-C'est votre intime conviction ? L'avez-vous partagée avec quelqu'un d'autre que moi ?
-Non. Les hommes ne s'en doutent pas. Et j'ai préféré éviter de mettre trop de pression sur leurs épaules.
-Vous avez bien fait. Donc, vous avez tout laissé là-bas ?
-Tout ce qui n'était pas récupérable, oui. Par ailleurs, j'ai huit blessés légers qui ont pu marcher jusqu'ici.
-Ils seront transférés dans une antenne médicale d'urgence. On ne peut pas craindre que les hommes aient été contaminés par des agents chimiques inconnus. Bien, merci pour vos informations, Louis. Je ferai envoyer une mission de reconnaissance dans la zone au plus vite afin de faire des tests. Et pour récupérer les corps de ces pauvres gosses.
-Il n'y a pas de quoi, mon colonel. Quelle est la suite des événements ?
-Cette affaire nous a déjà fait prendre beaucoup de retard par rapport aux délais que nous nous étions fixés. Vos hommes ont une heure pour se remettre en condition, puis nous commencerons à charger les véhicules et à constituer la rame, ceci en vue de partir dès ce soir.


Commentaires