Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)


Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 5


Publié le 05/11/2013 à 00:41:24 par Conan

Les hommes, qui ne sont plus que des êtres tout droit sortis d'un cauchemar, se relèvent, s'emparent de leurs fusils, et reforment la colonne.

''Lapeyre ! Tu ouvres la marche !'' Ordonne l'adjoint du capitaine, la voix étouffée et déformée par le masque.
''Reçu mon adjudant-chef !'' Répond le jeune homme sur le même ton. L'un des humanoïdes sort alors des rangs pour remonter la file jusqu'à en prendre la tête. Louis tient un petit boîtier qu'il fixe continuellement, le Dispositif de Contrôle de la Contamination. L'objet en lui-même ne semble pas très complexe. Une télécommande, figée d'un petit tableau de valeurs, lequel est surmonté de trois diodes montées l'une au dessus de l'autre, en face desquelles il est respectivement écrit : ''vésicant, neurotoxique, suffocant''. Une petite lumière verte s'allume et s'éteint continuellement en face du mot ''neurotoxique''.

-Mon capitaine, c'est quoi neutoroxique ? Demande un soldat plus curieux que les autres. Berger se tourne vers lui, mais ne parvient pas à le reconnaître avant d'avoir vu sa plaque militaire pendouiller sous son groin : ''soldat de première classe Nolet''.
-Un neurotoxique, c'est un type de gaz, utilisé par ceux d'en face, et par nous.
-Et y'en à, là ?
-A faible dose. Le détecteur semble avoir un peu de mal.
-Et ça fait quoi, ça, un neurotoxique ?
Berger laisse échapper un sourire qu'heureusement personne ne peut voir.
-Espère juste ne jamais le découvrir par toi-même, Nolet. Se contente-t-il simplement de répondre.

Ce court échange de mot, mêlé au rythme soutenu de la marche et à la respiration quasi-artificielle du filtre à gaz, fatigue le capitaine. Son souffle à travers l'appareil se fait rauque et bruyant, plus proche d'un grognement que d'un ronflement. Il baisse le regard sur la montre fixée à son poignet. La vieille montre de son père. Le bracelet en cuir est fendu par endroits, et le verre est fissuré, mais elle reste tout de même étanche et permet encore de donner l'heure exacte.
''Sept heures moins dix. J'aimerai autant sortir de la zone avant la nuit.'' pense-t-il en levant la tête vers les nuages bas et noirs. A l'horizon, derrière les volcans nus et les collines chauves, le ciel se pare d'une teinte pourpre et violacée. Dieu seul sait ce qu'il est advenu des survivants dans la zone, s'il y en a encore, sans parler des hordes de pillards qui trouvent refuge dans ces terres maudites dont personne ne veut à part les démons, bien que ces derniers ne soient pas si différents des bandits sans foi ni loi qui arpentent les campagnes et les forêts.
La compagnie suit la route en restant sur le coté droit, plus par habitude que par crainte de voir un véhicule surgir de nulle part, au pied d'une colline aussi desséchée qu'un bloc de souffre sur laquelle seuls quelques broussailles à l'apparence cramée et de pauvres troncs d'arbres crevés tentent encore de tenir debout, et frémissent au moindre coup de vent, même le plus léger.
Ces petites bourrasques, qui remuent toute la poussière et les menus débris qui se trouvent sur le bitume en de faibles tourbillons, donnent la mauvaise impression aux hommes de faire pénétrer le mal qui ronge cette terre sous leurs vêtements et leurs chairs, les faisant frissonner de peur, et leur nouant l'estomac. Quand ils bruissent, ces petits coups de vent affolent le dispositif de contrôle, faisant passer la diode du vert à l'orange, la transition étant accompagnée d'un petit ''bip !'' d'avertissement. L'air est chargé de toxines.
Les hommes longent la colline, silencieusement, les épaules écrasées par leurs sacs à dos et par l'atmosphère viciée. Tous sont pressés de sortir de la zone, mais aucun ne sait s'il la quitteront vivants. En marchant, Lapeyre remarque un bout de bois posé au bord de la route, un gros bâton sorti de nulle part. Sans réfléchir, en s'approchant, il donne un coup de pied dedans, comme pour penser à autre chose qu'a ce maudit paysage. En se retournant, le petit tronc dévoile un objet ovale, déclenchant un bruit métallique. Le petit ''cling !'' caractéristiques que tous ont appris à reconnaître pendant leurs classes. Mais à peine a-t-il le temps de pousser un cri qu'il se retrouve propulsé en arrière. L'onde de choc et le corps du pauvre garçon projeté à pleine vitesse font tomber les trois hommes qui le suivent les uns sur les autres.
-Piège ! Hurle l'un d'entre-eux, coincé sous le corps inerte et sanguinolent de son camarade de tête qui vient de sauter sur une grenade défensive.
Sitôt après, une salve de mitrailleuse fait voler en éclats une parcelle de la route, et d'autres coups de feu encore viennent frapper plusieurs hommes qui s'écroulent à terre en hurlant et en gémissant. Toute la troupe se jette dans le fossé pour se mettre à l'abri, sans même voir que l'attaque provient de la colline qu'ils longent depuis dix minutes, et au pied de laquelle tous se sont réfugiés. Tous, hormis le capitaine, l'adjudant-chef, et une poignée de sous-officiers parmi les plus expérimentés, qui ripostent instantanément. D'autres encore sont atteints d'une rafale où d'une balle et tombent en arrière. Le capitaine Berger, revolver à la main, hurle sur ses hommes après avoir vidé son barillet en direction des hauteurs.
-Debout ! Mais debout nom de Dieu ! Relevez-vous ! Crie-t-il à l'encontre de sa troupe recroquevillée et effrayée, clouée au sol par le tir de barrage.
L'adjudant-chef se jette sur les soldats les plus proches de lui, et tente de les relever à grands coups de pieds dans les côtes. Puis, enfin, l'un d'entre-eux réagit. Un formidable ''Grenade !'' jaillit du plus profond des entrailles de quelqu'un, et tous se jettent hors de leur cachette. Tous, sauf l'adjudant-chef, pris de court, et sonné par le souffle de l'explosion. Il titube sur quelques mètres, debout, droit comme un i, hagard, son fusil tirant à l'aveuglette, jusqu'à être frappé en pleine poitrine. Tombant à genoux, il suffoque, et s'écroule la face en avant, raide mort. La mitrailleuse effectue des salves de plus en plus longues, et de plus en plus meurtrières, décimant les rangs et le moral des jeunes recrues qui pleurent et appellent leurs mères. Quelle piètre image donnent ces soldats qui semblaient quelques minutes plus tôt si austères, si lugubres et si inquiétants ! Mais le capitaine ne perd pas son sang froid, et il a remarqué le départ de feu de l'engin de mort, planqué derrière un rocher surmonté de broussailles qui vibrent à chaque rafale tirée. Les quelques fusils disséminés autours ne sont que fioritures. Si la mitrailleuse est détruite, le reste partira en débandade, c'est une certitude.
-Mon tireur FM, à moi ! Lance-t-il.
Un homme lève la tête, timidement, mais se ravise vite et tente de faire le sourd en se roulant en boule de plus belle contre son fusil mitrailleur. Enragé, Louis se jette sur lui et l'agrippe par le col.
-Maintenant tu vas bouger ton cul, Berthelot. Si tu veux claquer comme le dernier des étrons c'est ton problème, mais que ta faiblesse mette en danger la vie de toute la compagnie, c'est le mien ! Alors maintenant, tu vas arrêter de te liquéfier, et tu vas éradiquer le fils de salope qui nous tire dessus !
D'une voix tremblante, Berthelot répond par l'affirmative au capitaine, et d'une main tout aussi tremblante, il agrippe son arme et se redresse lentement.
-Tu vois le buisson, juste là-bas ? Dedans y'a un mitrailleur et son servant, tu me les butes, pigé ! S'écrie le capitaine, en tendant le bras vers la position de tir à flanc de colline, à moins de soixante quinze mètre d'eux.
Berthelot hoche la tête puis prend sa visée en expirant bruyamment, et tire une rafale de trois. Le capitaine voit les impacts soulever la poussière juste au dessus du servant. ''Légèrement plus bas !'' rectifie-t-il. Une deuxième salve part. Cette fois, le coup atteint le coté gauche de la mitrailleuse. ''Plus à droite !'' mais au moment de lâcher la troisième et, espère-t-il, l'ultime rafale, le tireur est foudroyé d'une balle en plein visage. Sa visière explose en éclats, et Berthelot tombe net, sans le moindre bruit. Berger tente de soulever son cadavre pour récupérer l'arme, mais il est à son tour pris pour cible, et se voit obligé de se servir du corps de son subordonné comme couverture. Le bouclier de fortune absorbe les balles destinées au capitaine, et sa chair est traversée de parts en parts, giclant de sang à chaque nouveau projectile.


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