Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

©opy®ight


Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 8


Publié le 20/01/2016 à 00:13:11 par Loiseau

Cette nuit-là, pour la première fois de mon existence, je fis un rêve.

Dans une montgolfière multicolore s’élevant lentement dans les airs le vieil homme se cramponne de toutes ses forces au rebord de la nacelle. Ses mains blanches creusées de rides sont si crispées que leurs veines bleues ressortent, palpitant nerveusement comme si elles cherchaient à s’échapper de ce corps fatigué. Le vent souffle par bourrasques, agitant le ballon et le vieil homme a peur. Peur de tomber, peur de mourir. Ses yeux sont trop épuisés pour voir autre chose que du vide lorsqu’il regarde en bas et cette obscurité floue semble le menacer, l’insulter. Parfois, il lui semble distinguer un tentacule noir se dresser hors de la masse de ténèbres pour doucement caresser la nacelle et éprouver sa solidité. Le ciel, lui, est d’un bleu surnaturel, tirant presque sur le turquoise et les nuages sont d’un blanc d’une pureté angélique, dans ce décor onirique les couleurs chatoyantes du ballon rempli d’air chaud projettent des reflets étranges, comme si la toile était une sorte d’immense kaléidoscope.
Le vent souffle moins fort maintenant et il semble charrier une voix lointaine, éthérée. Le vieil homme ne distingue pas ce que dit cette voix mais la craint tout de même. C’est une voix chargée de puissance, d’expérience et d’autorité, le genre de voix qui fit bâtir des empires, dresser des monuments majestueux ou qui prononça les ordres qui réduisirent en cendres des civilisations grandioses.
Entre deux nuages aux formes familières et pourtant indistinctes, apparaît une montagne d’un grenat somptueux. Son pic est couronné d’une brume jaune dont se détachent régulièrement de petits filaments qui partent affronter les tentacules obscurs émanant du sol, bien qu’ils soient moins nombreux, les serpents de brume jaune semblent bien plus forts que les noirs appendices et en font tomber par dizaines. Comme attirée par un aimant, la montgolfière colorée se rapproche de la montagne grenat et le vieil homme, les yeux exorbités par la peur, ne peut plus bouger. Son cœur tambourine si fort dans sa poitrine qu’il a l’impression que ses côtes vont se rompre d’un instant à l’autre. De la vapeur se forme à chacune de ses respirations avant de se changer en minuscule nuage de pluie qui part rejoindre ses frères immaculés dans le ciel. Tandis que la montgolfière descend en douceur vers le pied de la montagne, le vieil homme distingue au loin, dans la mer d’obscurité, une gigantesque silhouette se dresser et hurler un unique mot avant de retomber dans les ténèbres. Une vague de tristesse et de dégoût secoue toute l’atmosphère et les filaments jaunes semblent se ternir momentanément alors que les tentacules s’affermissent et se multiplient soudainement et le combat paraît alors perdu pour la « lumière ». Puis à nouveau, le vent charrie la Voix et tout revient à la normale. La montgolfière se pose et le vieil homme en descend en tremblant. De plus en plus de serpents de brume affrontent les tentacules dans une bataille silencieuse et pourtant chargée de puissance, l’homme se sent incroyablement faible.
Des escaliers se dessinent devant lui et un homme très grand, à la peau noire et striée d’arabesques d’or, vêtu d’une somptueuse tunique moirée vert sombre, en descend d’un pas lent et noble. Sur son front brille un diadème d’or blanc d’une grande simplicité. En voyant le vieil homme, il sourit avec bienveillance et ses yeux bleu clair se mettent à pétiller comme s’ils retrouvaient un ami depuis longtemps perdu. Avec beaucoup de délicatesse, le Prince prend le vieil homme par la main et, sans un mot, l’aide à monter les marches. Le vieil homme se laisse faire, fasciné, toute crainte en lui s’est évaporée. Sur le flanc de la montagne, mille merveilles s’offrent à ses yeux. Des plantes aux couleurs somptueuses dont certaines, sans qu’il sache très bien pourquoi, ne lui paraissent pas exister sur tous les plans de l’existence, des animaux immenses, à l’aura sauvage et rayonnante. Un court instant, à peine un battement de cils, le regard du vieillard croise celui d’un simple lièvre et il lui sembla plonger dans un monde miraculeux, sur une route faite d’étoiles où galopent des chevaux de vent montés par de grands guerriers à la peau cuivrée et aux cheveux parés de plumes chatoyantes. Une douce pression dans la paume de sa main le tire de ce contact fabuleux et le lièvre s’enfuit dans un massif de roses. Les yeux du vieil homme se tournent vers le Prince qui secoue doucement la tête.

-Ce n’est plus ta place, mon ami. Maintenant nous montons.

Un nuage d’oiseaux de paradis survole l’étrange duo en pleine ascension. La fatigue ne les affecte pas, pas ici. Le bruit de l’eau qui court accompagne une dernière volée de marches et le vieil homme se retrouve face à une cascade. L’eau est immédiatement absorbée par la terre et aucun ruisseau ne nait du mur aquatique. Le Prince fait signe au vieil homme de le franchir et ce dernier obéit sans la moindre hésitation. Au lieu de l’épuiser, la montée des marches lui a donné la sensation de rajeunir et la morsure glaciale de l’eau lui procure un sentiment de renaissance. Il continue d’avancer, sans le Prince cette fois, et il lui faut un certain temps pour réaliser que la brume jaune l’entoure entièrement. La voix se fait à nouveau entendre, plus proche que jamais mais toujours incompréhensible.

Puis la brume se dissipe.

Assis à califourchon sur la branche d’un cerisier, la bouche tachée de jus rouge vif et les yeux écarquillés, se tient un enfant. Sa peau est couleur de miel et ses yeux légèrement bridés, il ne porte qu’une tunique blanche très simple et ses longs cheveux sont noués en chignons sur le sommet de son crâne. En apercevant le vieil homme il se met à rire et tape trois fois dans ses mains, comme pour une farce qu’il serait le seul à comprendre. Sa bouche rougie par les cerises s’ouvre grand et la Voix jaillit à nouveau.

-TIKVA ! TIKVA !

Et il repart dans un grand éclat de rire semblant ne jamais devoir s’arrêter. Le vieil homme s’avance vers lui et l’enfant saute dans ses bras pour descendre de la branche. Puis il court vers une petite table de bois sur laquelle est posé un livre. Il fait signe à l’homme de s’approcher et ouvre le livre en son milieu.

-La Connaissance Tikva. Tu sauras l’acquérir et la transmettre. Finis les combats, Tikva. Fini la chasse et la guerre. Tu portes en toi une lumière douce aujourd’hui. Enseigne et porte.

Se dressant sur la pointe des pieds, il embrasse délicatement le front du vieil homme, puis, souriant, disparaît.


TIKVA !

TIKVA !

TIKVA !

En toi la Lumière, Mawlânâ !
En moi ta flamme !
Et à nos côtés
Marche l’océan, la mère
Et pour nous enlacer
Père-Ciel !
Devant nous Mawlânâ
Sont nos frères, nos enfants
Réceptacles du Savoir
TIKVA !


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