Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Gabrielle


Par : MonsieurF
Genre : Fantastique, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 11


Publié le 05/03/2016 à 01:46:57 par MonsieurF

La foi dans ma famille a toujours été une question tabou. Mon père, athée, a transmis ses convictions à Paul, et de fait, aucun d'eux n'a jamais cru en cette puissance divine. En ce qui concerne ma mère, c'était plus compliqué. Ses parents étaient très croyants, et pendant longtemps ma mère se pliait à la foi débordante de mes grands-parents. Mais tout cela ne dura qu'un temps. À la disparition de leur premier enfant -l'oncle que je n'ai jamais eu donc-, la foi qu'ils avaient en Dieu s’estompa considérablement. Le désespoir, la colère, la tristesse et l'incompréhension détruisit tout et eut raison des convictions de mes grands-parents.
C'est pour cette raison que jamais ma mère n'est entrée d'elle-même dans une église. Jamais elle n'eut un seul geste, ne porta aucun signe ostentatoire pour affirmer sa religion; elle n'en avait tout simplement plus.

Moi j'étais curieuse. Je me disais plutôt agnostique lorsque l'ont me posait la question. La religion, je trouvais ça rassurant, pas pour moi, mais pour tous les hommes et toutes les femmes qui avaient à subir des épreuves, qui se sentaient abandonnés, ou bien qui aimaient croire qu'il existe une force supérieure qui guide leurs morts après la vie. Pour dire plus simplement, je considérais que croire en Dieu était quelque chose qui, même en doutant de son existence, permettait à des tas et des tas de gens d'accomplir leurs devoirs. Et si ça aide les humains à mieux supporter la vie, ça me va.

Il m'arrivait de rentrer dans une grande église qui se trouvait à Sherbrooke; elle était magnifique, et c'était pour moi un havre de tranquillité. Je comparais avec amusement ma relation avec Dieu avec celle qu'auraient deux vieilles connaissances qui ne s'apprécient pas, mais qui se tolèrent avec bienveillance.
Il me tolérait dans ses églises, et moi je respectais la foi des autres et je ne blasphémais pas.
Ma mort a apporté une réponse à la grande question de la vie après la vie, et s’il y avait bien Dieu en toge pour venir nous serrer la main après avoir passé l'arme à gauche. En fait il n'y avait rien. Et de ce fait, des milliards d'humains sur terre avaient cru, et continuaient à croire en... rien. Malgré tout, si j'avais la possibilité de revenir sur terre, je ne préviendrais personne de ce vide sidéral qui se trouve dans le royaume des morts. Quel mal peut-il y avoir à laisser des gens croire que quelque chose les attend après la mort? Qu'il existe une entité d'une puissance inimaginable qui régit leurs vies? Que si un malheur arrive dans ces mêmes vies, c'est pour une raison bien précise?


Une autopsie a été pratiquée sur mon corps peu après l'accident. C'est ainsi que les différents viols dont j'ai été victime le soir de mon accident furent alors découverts. L'enquête piétina longtemps, très longtemps, pour aboutir 12 ans plus tard à une conclusion qui clôtura l'enquête; j'avais été violée par deux hommes, deux SDF de Sherbrooke. Rien de plus. Il y avait eu un précédent; deux viols du même acabit par deux SDF tard dans la nuit bien avant ma mort. Du coup, lorsque les deux auteurs furent enfin retrouvés et arrêtés, on leur colla mon viol sur le dos. Ils se suicidèrent tous les deux dans leurs cellules quelques mois après leurs incarcérations. Fin de l'histoire.

Ce verdict n'est pas complètement vrai. Ce soir-là, ces deux SDF ont en effet abusé de moi. Mais c'était après être rentré dans la voiture d'un premier homme qui m'avait violé et frappé avant de laisser les deux SDF s'occuper de moi.
Cet homme dans la voiture, c'était l'un des nombreux hommes que je voyais en cachette pour le sexe. Il s'agissait d'un de mes anciens profs du lycée. Je l'avais toujours trouvé charmant, et la plupart des filles de ma classe ne cachaient pas leurs désirs brulants de pouvoir passer une nuit en sa compagnie. Je n'avais jamais rien tenté lorsqu'il était mon prof, je trouvais ça beaucoup plus dangereux que me taper un collègue de bureau de ma mère.
Il n'était pas spécialement baraqué, et pas spécialement mon style non plus. Je lui donnais à peine la trentaine. Il était chauve, avait une grosse barbe noire, et des yeux verts perçants. Son style était plutôt atypique, on le prendrait facilement pour un mec qui passe sa journée à fumer des pétards et faire du skate. Je pense que c'est un peu en ça que ses cours de maths faisaient toujours des fans.
Un an après avoir quitté le lycée, je l'ai revu, assis seul à une table dans un bar vers 22h. J'étais seule dans ce bar ce soir là parce que Matt, mon ami gay, m'y avait donné rendez-vous, mais n'était finalement pas venu parce que son copain avait, au dernier moment, émis son souhait de passer la soirée avec lui sous la couette.

Je suis rentré et j'ai vu Armand. C'est la première chose que j'ai vue. Il avait toujours le même imperméable marron qu'il portait depuis que je l'avais eu en tant que prof, et était assis à une petite table, un gros verre de bière devant lui. Presque affalé sur la table, et d'un regard profondément triste, il jouait avec son alliance qu'il faisait rouler et qui revenait vers lui tel un boomerang.
J'hésitais à m'approcher de lui, il avait l'air de vouloir rester seul. Discrètement, je tournai la tête et m'avança vers le bar. On m'interpella.
-"Gabrielle?"

Je fis volte-face. C'était bien lui qui m'avait reconnu. Son alliance n'était plus visible, il l'avait probablement cachée dans sa poche.
J'eus un instant d'hésitation avant de m'approcher de lui. Il avait probablement dû croire qu'il me fallait quelques secondes pour me rappeler qui il était.
J'avançais en sa direction, il se leva.

-"Mince alors, tu as changé en un an!" me lança-t-il un beau sourire aux lèvres
-"Ah.. Vous par contre, vous n'avez pas du tout changé, toujours avec votre imperméable"
Il ria. Il posa une main sur mon épaule et m'invita à m'asseoir à sa table. Je m'installai.
Nous avons discuté longtemps, il me paya quelques verres, juste assez pour que je sois pompette.
La conversation s'orienta alors sur l'objet de sa présence dans ce bar.
-"À vrai dire je viens de me faire plaquer." avouait-il après avoir repris une gorgée de bière
"C'était un mariage compliqué de toute façon, elle m'a dit qu'elle ne m'avait jamais senti impliquée dans notre relation, alors que j'aurais pu dire la même chose à son sujet."
Être pompette ne m'empêchait pas d'être gênée. C'était peut-être mon ancien prof, mais lui et moi avions toujours eu une relation que l'ont peut qualifier de professionnelle.
Il eut un blanc, je n'osais pas relever ce qu'il venait de confier.
Il me regarda longuement, et posa sa main sur la mienne avant de dire, avec un aplomb qui me stupéfia;
-"En tout cas elle ne trouvera pas quelqu'un d'autre capable de la faire hurler au lit comme elle le faisait."
Je restais coi devant une telle déclaration. Je ne savais pas comment réagir.
Je balbutiai;

-"Vous semblez bien sûr de vous monsi.. Armand"

Il sourit.

-"Non je t'assure. Ce n'est vraiment pas mon genre. Tu veux peut-être que je te montre?"

Je ne savais pas dans quoi je m'embarquais. Si je pouvais donner un conseil à la jeune fille innocente qui se trouvait dans ce bar, installée à cette table face à cet homme, je lui dirais probablement de partir en courant très vite.

Armand et moi couchions régulièrement ensemble après ce soir là. La relation que j'avais avec lui n'était pas la même que celle que j'entretenais en parallèle avec Pierre. Armand n'était pas aussi chaleureux, ce qu'il souhaitait avant tout était de tirer son coup. Il avait fixé des règles que ni lui, ni moi ne devions transgresser; tout d'abord, lui seul décidait quand nous devions nous voir. Il exigeait aussi que lorsqu'il me demandait, je devais accourir immédiatement. Je n'avais pas le droit de le contacter, pour quoi que ce soit.
Nos entrevues pouvaient être espacées de plusieurs semaines d'écart, mais il arrivait qu'il me demandait 3 fois par semaine, le tout à des heures improbables comme en pleine journée.
Je devais toujours porter un sweat à capuche noir, des lunettes noires opaques, et des habits discrets. Il me recevait toujours chez lui, sauf à quelques exceptions où nous nous retrouvions dans une cabane dans les bois.
Pierre était au courant de tout, je lui disais tout. Il n'appréciait pas du tout la manière dont Armand me traitait. Plusieurs fois il tenta de me retenir, me demandant de ne pas aller le retrouver. Tout ceci n'avait aucun sens pour lui, puisque je n'en tirais aucune compensation financière, il ne voyait pas l’intérêt que je me fasse subir ça. Mais j'en avais juste besoin. Pas d'Armand, mais de la présence qu'il représentait.
Plusieurs fois je me disais que je pourrais tout arrêter et rester avec Pierre, mais j'en étais incapable.

Trois mois après que nous avions commencé à coucher ensemble, un soir où une tempête faisait rage au-dessus de Sherbrooke, je reçus un SMS d'Armand. Il demandait à me voir.
Habillée comme il l'exigeait toujours, je tapais à la porte de chez lui, trempée jusqu'aux os. Armand vint m'ouvrir la porte. Comme d'habitude, l'intérieur de sa maison puait toujours autant l'alcool et le renfermé. Je ne suis même pas sûre qu'il s'agisse uniquement de l'odeur de sa maison, puisqu'il m'est arrivé de sentir cette odeur sur lui.
Armand n'avait pas la même attitude que d'habitude. Sa froideur habituelle avait laissé place à une amertume que j'avais pu déceler dès l'instant où j'ai vu son visage ce soir-là. Il m'invita à entrer et s'installa immédiatement dans son canapé. Il reprit la bouteille de bière qu'il avait laissé sur la table basse avant de se lever pour m'ouvrir.
J'ôtais mes habits immédiatement, et m'avança vers lui. Je m'installai à califourchon face à lui et commença à l'embrasser en saisissant son visage.
Après quelques secondes, je m'arrêtai.

-"Qu'est-ce qui t'arrive?" demandais-je, me heurtant à son regard froid fixé sur autre chose que moi
-"Jette un œil aux photos dans mon téléphone."

Je regarde en direction de la table basse. Il n'y avait que son téléphone posé dessus. Je le saisis, le déverrouille, et regarde les photos qui se présentent à moi. Il s'agit de Pierre et moi à nos différents points de rendez-vous, des photos de moi pénétrant dans sa voiture, des photos de lui et moi main dans la main dans des lieux publics...

Je me tourne vers lui, interrogée.

-"Tu as enfreint la règle." me dit-il, toujours de glace
-"Quelle règle?"
-"Tu es à moi, et uniquement à moi. Personne d'autre que moi n'a le droit de te toucher." fît-il les dents serrées, sur un ton qui me glaça le sang


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