Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

[Concours] C'est encore noël !


Par : Droran, Nirvana
Genre : Concours
Statut : C'est compliqué



Chapitre 9 : Conte de MassiveDynamic


Publié le 31/01/2011 à 22:17:49 par Nirvana

La Fin D'Une Vie


Il était une fois la vie. La vie d'un homme né sous l'étoile du désespoir, une vie brodée par l'inconfort et l'instabilité. La vie d'un quarantenaire, qui était sur le point de prendre fin, un soir de noël. Une nuit macabre pour célébrer l'un naissance d'un autre qui n'est plus depuis deux millénaires. Les temps ont changé, l'eau aura coulée, mais la misère aura traversée les âges, et elle continue de coller à la peau de ces hommes qui subissent en silence. Ici commence et se termine la vie éphémère de Gerald Griandont.

Encore une nuit à errer dans les rues gelées et enneigées de la ville. Alors que le temps est à la fête et à l'intimité familiale, en cette période bénie, pour la majorité des gens, il y a les autres, qui se noient dans le désespoir, et célèbrent leur solitude. Gerald vit avec ces gens. Sous un pont, dans un campement de fortune. Insalubre. Un bidonville, plutôt. Car personne ne se souci de lui, qu'a t-il de spécial de plus que le reste de la population ? Rien. Il n'a rien, ne possède rien, plus de famille, pas d'enfants... et aucune compagnie. Gerald nourrit l'espoir, là où il n'y en a plus. Et il le travaille autour d'un feu, avec ses autres compagnons. Les toxicomanes, les sans domiciles fixes, et les marginaux. Ces autres gars. Ces exclus de la société. Les parasites. Les inconnus. Ceux qu'on ne remarque pas. Les fantômes du présent. Les oubliés du passé.

"...Et donc j'me suis rendu à ce restaurant là, vous savez, celui en face du rond-point, là où ça fourmille de lumières, à côté des décorations de noël. Ils m'ont proposé "un repas de chaleur en ce soir de noël", soit disant qu'ils voulaient me tenir compagnie, parce que je n'ai pas de famille, que je suis un vagabond. Vous imaginez ça, les gars ? De la compassion puante ! Je l'ai envoyé se faire foutre. J'ai de l'amour propre quand même, je ne veux pas de leur pitié. "

Gerald partage une conversation des plus conventionnelles en compagnie de ses compagnons d'infortune, qui eux préfèrent avaler de la gnôle encore et encore, pour oublier, oublier qu'ils n'ont pas de bagnole, pas de logement, pas d'avenir. Pour effacer le fait qu'ils n'existent pas, vérité ancrée profondément dans leur mémoire depuis bien longtemps. Gerald, lui, ne boit pas. Il s'est refusé à tomber dans l'alcool ou la drogue. Ca ne ferait pas fuir ses problèmes mais ça en créerait de nouveaux, et il le savait bien. Il n'y avait pas grand chose de plus à dire sur lui, malheureusement. Il a tant vécu mais n'a pourtant rien fait de sa vie. Pas une seule relation amoureuse, juste quelques flirtes idylliques qui coupèrent court bien rapidement.
Aujourd'hui, la barbe garnie et avec des cernes si effarantes que l'on pouvait croire que ses paupières allaient tomber, il se fondait dans la masse. Il était tant physiquement que mentalement comme tous ces gens ici, ne possédant rien et voulant fonder un empire, empirant la situation jusqu'à le trainer dans les bas-fonds de la médiocrité.

La neige tombe. Encore et encore. Le ciel brille, des vagues d'étoiles se dessinent, et la lune est resplendissante. Une brise fraiche apporte un vent de douceur sur la ville. Et, doucement, les gens commencent à être ivres, au campement. Les uns finissent par terre ou titubent, les autres chantonnent la vie qu'ils n'auront jamais, et d'autres encore vomissent au coin d'un poteau. Un pathétique banal dans la vie d'un vagabond.

Gerald n'eut aucun autre choix. Trop agité pour dormir et ses "amis" trop torchés pour entretenir le flot social, la conversation, dernier vestige de sa vie en société, il se décida à partir. Pour aller où ? Il ne le savait pas. Il se mit à marcher. A observer la vie.

Les gens sourient, les couples s'embrassent, des visages radieux, illuminés, des sourires éclatants, un bonheur général, partagé, partout. Une candeur mielleuse dont personne ne se plaint et à laquelle tout le monde adhère. Les habitants sortent en famille. Profitent de la nuit. Certains, chrétiens apparemment, entament quelques chants de noël. Des valeurs oubliées qui ressurgissent subitement, l'espace d'une nuit. La famille, l'amour, l'existence. Le bonheur. Les gens se tiennent la main. Celles de Gerald sont dans ses poches parce qu'il attend son idéal, qui tarde à venir. Qui arrivera peut-être. Dans une autre vie, sûrement. Il regarde les gens, et les gens le dévisagent. Son allure négligée et son odeur accommodante déteignent forcément sur les vautours qui le dévisagent. A leurs yeux, c'est un renégat. Gerald est seul au milieu de tous ses gens. L'intrus. Le tonnerre dans un champ de roses. Ou peut-être n'est-ce que lui qui se croit mal aimé ? Et quand bien même certains seraient pris de pitié, il n'en veut pas, non, bien sûr que non. Il a bien trop d'amour propre. Ou, du moins, de valeurs. Quand bien même l'inutilité de ces dernières.


La neige lui usait les pieds, et le froid lui gelait le bout des doigts. Son nez était rouge sang, transit par le froid, et sa pensée était morose. Morbide. Les flocons tombaient, il les regardait, accoudé sur le muret du pont, passant ses doigts dans la neige qui bordait la pierre, dessinant des signes inutiles. Une existence dénuée d'intérêt. Pas de rêves. Pas d'avenir. Il était seul. Désespérément seul. Er il refusait toute aide extérieure, il n'en voulait pas, il n'en avait pas besoin. Dans sa tête, il était encore cet homme brave, fier de son travaille, ce policier dévoué à l'humanité. Il n'avait pas encore causé la mort de son collègue, non.

D'ailleurs, quand on lui demande pourquoi il a démissionné, il n'évoque pas cette raison. Il répond simplement qu'il est tombé dans les rouages de la société. Et qu'il n'en ait jamais sorti. Relaxé par la justice, il a été son propre coupable, et ne s'est jamais pardonné. Sa période d'isolement l'a conduit à ne plus avoir personne. Et après la mort de sa mère, il n'avait plus âme sur qui compter.

Et il ne pouvait plus que compter ses larmes qui s'écrasaient sur le muret et se perdaient dans les tas de neige. Elles étaient sa dernière possession.

"Les songes d'un vagabond. A quoi pouvez-vous bien penser, pour faire tout ce bruit ? "

Une femme. Blonde, les cheveux bouclés, vêtue d'un long manteau de fourrure, couverte par des broderies de luxe et des chaussures en peau de bête tout aussi luxueuses. Des lèvres sanguines, des yeux verts, et une dose de maquillage importante. Des courbes séduisantes, et des mains à l'air libre couvertes de bijoux.
Les pleurs de l'homme n'échappaient pas aux oreilles de la promeneuse. Gerald ne dévêtit pas sa carapace pour autant. Il n'aimait pas qu'on le voit pleurer. C'était le pire des signes de faiblesse, pour lui.

"Et vous, que pouvez-vous bien faire ici, un soir de noël ? Vu vos fringues, vous êtes riche, vous devez avoir une famille, des amis, un mari qui vous aime... "

La femme rit silencieusement, et ses lèvres se mirent à bouger harmonieusement.

"Et vous ? Vous n'avez pas une femme qui vous attend quelque part ? Ou une famille ? Ou même un toit ? "

Gerald releva la tête et se tourna vers son interlocutrice, laissant apparaître son visage meurtri par la pauvreté.

"Bingo ! Pas trop dur à deviner vu mon allure et mon odeur. "

La femme affichait un sourire amusé.

"Vous êtes plutôt sarcastique pour quelqu'un dans votre situation. Les gens ne peuvent donc rien faire pour vous ? C'est noël. Il y a des gens à disposition pour des gens comme vous. "

Gerald sécha ses larmes et se mit à rire nerveusement.

"Des gens ? Des gens pour moi ?! Mais laissez-moi rire ! Pendant toute l'année, les gens ne remarquent pas les gens comme moi ! On nous ignore, quand on ne vient pas nous déranger pour se moquer de nous ! Et là, une fois dans l'année, on nous noie dans le l'hypocrisie et de la compassion débile, pour à nouveau nous oublier une semaine après ? Non. Je sais que certaines personnes veulent réellement aider les gens comme moi. Mais moi je ne veux pas d'aide. Je ne veux rien. Maintenant, laissez-moi, s'il vous plait. Et rejoignez votre famille. "

Gerald se remit à fixer l'horizon. Il pencha la tête un moment, pour évaluer la distance qui le séparait du sol, tout en bas, là-bas, où siégeait du béton qui avait vu le monde lui passer dessus. La femme se mit à sa hauteur, s'accoudant à son tour sur le muret, laissant ses mains fragiles caresser le manteau blanc de cette période glacée.

" Et bien, je suis comme vous. Née sous l'étoile du vice. Je n'ai personne à rejoindre. J'ai bien une maison, oui, mais je n'ai pas le coeur à y rester, seule, et surtout pas le soir de noël. "


Gerald oublia soudainement ses pensées noires et se mit à rire.

"L'étoile du vice ? Vous n'avez personne ? Vous vous moquez de qui ? Et c'est quoi ces bagues ? Et ces vêtements onéreux ? Vous vous moquez de qui ? Elle est bonne, celle-là... "

La dame sortit une carte de la poche droite de son manteau et la tandis à Gerald.

"Tenez. Lisez donc. "

Gerald prit la carte et ses yeux se fixèrent sur les mots inscrits dessus.

"Oh... Vous êtes... "

La femme l'interrompit.

"Une prostituée, oui. Et en ayant une clientèle de luxe, forcément, ça paie bien. Mais au fond, vous voyez, qu'importe mon argent, ma situation n'est guère meilleure que la votre. "

Gerald continua maladroitement.

"Mais... Pourtant... Je veux dire, vous parlez bien, quoi... "

Elle ne le prit pas mal et rétorqua avec amusement.

"Et vous aussi, vous parlez bien, pour ce que vous êtes. Oubliez donc toutes ces idées reçues. Le monde n'est pas rose. Il y a des gens qui souffrent, et à tous les niveaux, peu importe leur statut ou leur profession. "

Mais l'intérêt de Gerald se centra à nouveau sur le saut de la libération. Il n'aurait qu'un geste à faire, un cri dans la nuit, puis un homme au paradis. Ou en enfer. Voir le néant. Des tas de possibilités pour une simple action.

"Et vous souffrez ? "

"Si je souffre ? Quand les gens vous regardent, ils peuvent avoir de la pitié ou de la compassion, quand on me regarde, moi, sur mon lieu de travail, les gens voient ressentent soit du dégoût, soit de l'excitation. Non pas que je m'en plaigne. Au moins, je gagne bien ma vie. Etre considérée comme un objet, je m'y suis habituée, vous savez. J'aurai bientôt assez d'argent d'économisé pour tout arrêter. Pile pour mes trente trois ans. Après ça, je renaitrai. Vous comprenez ? Il n'est jamais trop tard. Peu importe le temps perdu. Vous pouvez changer les choses. Vous pouvez changer. "

La femme parlait, mais l'homme n'écoutait plus. Chaque année serait identique. Le futur sera pire que son présent. Il ne s'en sortirait jamais. Il n'en avait pas l'envie, et n'avait plus la force de continuer. Alors il s'est élevé. Levé sur ce muret, les bras tendus, seul face au vide de sa vie, prêt à plonger vers le néant de la mort. Les yeux fermés, il n'avait que faire de la présence de cette prostituée qui lui était quelconque. Des discussions il en avait eu de bien nombreuses, et il en avait assez. Il était prêt. Mais au moment de s'envoler, il ne put que retomber. De son muret. Tiré par le bras par cette prostituée bourgeoise sur-maquillée. Tombant négligemment dans la neige, à ces côtés. Expiant un profond soupir de soulagement. Et, enfin, en affichant un sourire sincère. S'il n'était pas sorti de l'enfer, désormais, en tout cas, il le partageait. Il avait les pouvoirs de transformer son enfer en paradis, car il avait ce qui lui avait toujours manqué. Une main pouvant tenir la sienne.

S'il y avait une moralité à tirer de cette existence qui prit bel et bien fin cette nuit là, c'est qu'il n'est jamais trop tard pour changer, car le destin frappe là où l'on s'y attend le moins, car oui, cette existence de vagabond était belle et bien terminée pour lui.


Commentaires

Aucun commentaire pour ce chapitre.