Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel: :noel:

L'éveil du Léviathan


Par : Warser, Ardilla
Genre : Fantastique
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4


Publié le 21/11/2013 à 20:56:36 par Ardilla

-Enc're en train d'r'vasser le ptiot ?
-Salut Tito ! Je pensais bien que je te verrai près du bar ! 

Un rougeoyant bonhomme, aux bras musclés mais à la bedaine proéminente avait interpellé Pierre depuis un des cafés proches. Sa face joyeuse et qui faisait encore tomber toutes les femmes en âge de surpasser un embonpoint marqué s'éclairait toujours lorsqu’elle voyait le petit Pierre. Tito, le grand bonhomme, le plus grand paysan du coin qui prenait sous son aile tous les nouveaux, les voyageurs, les perdus mais jamais les militaires. L'Ancienne Catastrophe lui avait enlevé un fils, que les militaires lui avaient pris d'office et qui n'avait pas survécu un an aux obus et au gaz moutarde. Depuis, il s'acharnait à prendre sa revanche en montant les prix, en faisant de Live son marché, son monopole et en buvant gratis dans tous les bars de la ville. Les gradés lui mangeaient dans la main.

-Oh tu sais, a c't'heure, j'ai plus ma belle, j'dois m'consoler ! T'as vu l'aut' là ? L'était point trop bon moi j'trouve, j'aimais mieux Lila. En plus elle était jolie quoi...
-Ça... Tétais pas le seul à lui courir après. C'est un peu ce qui l'a forcée à quitter la ville. Tu as de ses nouvelles ?
-Pour sûr, la Lila, elle vivait chez nous, on a d'ses nouvelles. Elle est dans un des bars, t'sais là, les « cabarets », d'la grande ville, chais plus l'nom... T'sais là, la ville pas chouette.

Pierre sourit en imaginant la brune Lila en danseuse de cabaret. Elle en avait fait tourner des têtes, cette Imagée là, lors de son passage à Live. Un peu trop même. Il ferma les yeux pour se rappeler ses pas vifs et mesurés sur la place, au milieu de ses Images pleines de nostalgie et de couleurs. Un jour, elle avait enchantée la foule en disparaissant derrière un nuage de papillons de toutes les teintes qui avaient hanté la ville jusqu'à ce que le gouvernement décide de les chasser. Les papillons s'étaient amassés partout, et ne voulaient pas disparaître tant que Lila était dans la ville, il faisait donc aussi chasser Lila. Les Images sont fidèles , celles de Lila l'étaient particulièrement. Elle avait un charme...

 -Ouaip, d'ailleurs j'ai r'croisé l'moustachu qui l'a viré. Ce con là, avec la gueule qu'il a, il allait quand même pas croire qu'elle s'amouracherait de lui ! Enfin quand t'es Général, t'en fous, tu m'diras ! 

Esquissant une mimique de dégoût qui fit ricaner Tito, Pierre s'en alla ranger ses pommes de terre et ses gombitos sur l'étal. L'automne amenait, avec les foires des paysans, les couleurs des légumes, violets, bleus, oranges, qui égayaient les stricts immeubles et les collines de charbon que l'on apercevait au loin.
Le paysage n'avait pas beaucoup souffert de la guerre, il avait souffert de la richesse. Les collines alentours regorgeaient des minéraux et du charbon nécessaires à l'assouvissement des désirs de Live. Avec les usines, les mines, s'était créée une population hors frontières, hors lois donc. Une petite cité, à part, que l'on apercevait depuis les murailles de Live, à 4 kilomètres depuis la porte du Général Ran, croissait au pied des manufactures et des tours qui crachaient leur fumée noire. Lors des foires, les sans-frontières associés à la ville de Live venait eux-aussi profiter des couleurs et des odeurs de la campagne qui envahissaient la ville pour une journée. Tout était réglementé, les sans-frontières recensés précisément chaque mois et n'ayant pas le droit de s'associer à une autre ville. Un système archaïque qui avait du mal à évoluer.
Pierre repéra déjà plusieurs sans-fronts et parmi eux aperçut la tignasse brune et mal peignée de Tred.

 -Salut le vendeur de patates !
-Salut la noirceur du four !
-Eh dis, t'es pas tôt aujourd'hui, on t'attend depuis un bail avec les autres ! On a déjà eu le temps de parler avec la jolie Marie, tu l'as raté. Pis Tito a déjà pris sa première tournée à ce que je vois.
-Ho eh ça va hein, qu'est-ce que vous avez tous à vous plaindre ce matin ?
-Toi, la Madeleine a toujours pas succombé à ton charme et ça te met de mauvaise humeur ! -susurra malicieusement Tred-
-T'inquiète, t'inquiète ça va se faire, j'suis tout en douceur moi, pas comme toi brûtasse ! Les femmes, faut savoir les manier sans les casser -déclara d'un air savant l'adolescent imberbe- Tu vas où ce matin ?
-Chez Peter ! Jour de foire, jour de gloire ! Il va pavaner avec ses nouvelles inventions dans diverses administrations et il a besoin d'un assistant mécanicien. Donc évidemment ben y fait appel à Tchou-tchou. 

Pierre sourit à l'évocation du surnom de Tred, le meilleur mécano de Live. Lors de l'Ancienne Catastrophe, Live avait beaucoup parié sur sa position stratégique : à l'arrière avec des ressources. Elle avait donc développé le nécessaire pour s'enrichir de la guerre et disposait d'un réseau ferré et de wagons nombreux. Avec la séparation évidemment, ce réseau s'était un peu engourdi et seules quelques villes comme Venisa, qui ne produisait rien mais achetait beaucoup gardaient contact. Du coup les mécanos n'étaient pas mal lotis parmi les sans-fronts, c'étaient même des privilégiés : un laissez-passer pour venir dans la ville trois fois par semaine durant 6h en temps normal et 8h en temps de foire. Bref, encore des exceptions qui venaient compliquer l'administration de Live, au plus grand bonheur des militaires qui n'aimaient rien de plus qu'un bureau avec des fiches, des machines à écrire, des tampographes et une veilleuse.

-Je passerai vous voir ce soir, la doyenne de la ferme m'a donné carte blanche si je faisais une bonne journée. On se retrouve devant l'atelier ?
-Ma foi, oui, ça me donnera une occasion de charmer Madeleine pour qu'elle me rallonge mon laisser-passez ! 

Ce trait d'humour donna lieu à une volée de patates.

-Et puis Peter nous payera la tournée et on l'entendra encore parler de fantômes, d'Images, de machines gigantesques, d'éléphants en bois, et tratratra...
-Allez, dégage, avant que j’enchaîne avec un lotus blanc -menaça Pierre en brandissant l'étrange légume blanc, énorme mais léger à cause du gaz odoriférant qu'il renfermait et qui le rendait si difficile à cuisiner-.


Commentaires