Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Qui ose peindre les roses en rouge ?


Par : Loiseau
Genre : Fantastique, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 3


Publié le 17/04/2014 à 23:03:12 par Loiseau

Je suis tiré de mon sommeil par les marmonnements d’Alice. J’ouvre un œil, puis l’autre. Je me sens étrangement léger, voire vaporeux. Ce n’est pas désagréable en soi. Je m’étire, souris largement et… Je souris ?


-Mmmh, quelle heure est-il ?

-20h42 à Paris, 15h42 à New York et l’heure du souper chez la voisine. Tu devrais songer à te lever. Bien entendu si tu habitais en Indonésie tu pourrais rester couchée, car il est bientôt 3h du matin là-bas.


Ma jeune amie se redresse, se frotte vigoureusement les yeux et me fixe. J’aime ces deux émeraudes pailletées qui lui servent d’iris. Une délicate topographie sanguine se trace dans sa sclère et maintes émotions se lisent dans ses pupilles ébènes qui se rétractent, contractent, écartent, détractent, dilatent sous les effets de la surprise. Après tout, ne vient-elle pas d’entendre un chat parler ? Et ce chat n’a-t-il pas bien changé ? Je sais sourire maintenant.


-Dinah ?

-Salut Alice.


Sa bouche s’ouvre grand (très belle luette, ma chère) et elle lâche un petit cri apeuré et émerveillé (les humains manquent de logique et de discernement dans leurs émotions).


-Tu parles Dinah ! Tu parles ! Oh, je dois rêver ! C’est impossible ! Tu ne peux pas parler, tu es un chat ! Les chats ne parlent que dans mon monde… Et ton pelage… Il a changé aussi, n’est-ce pas ?


Je jette un œil intéressé à mon reflet dans le miroir de la chambre. Effectivement, ma robe noire se pare de rayures violettes allant de l’améthyste au zinzolin en passant par le lavande et l’évêque. Tant de nuances pour un si petit chat, diraient certains. Mais ces gens ne sont pas là et seule ma tendre Alice me voit. Il semblerait que nous ayons bel et bien basculés dans son monde. Mais où sont les fleurs chantantes comme Zarah et Edith ? Et où est donc le petit crocodile qui fait scintiller sa queue dorée et ruisseler l’eau du Nil sur ses écailles mordorées ? (il s’agit d’un poème de chat, mais de chat du monde d’Alice et je ne savais même pas que je le connaissais). Et surtout… Où est la Reine ? Probablement en train de jouer au croquet me siffle une voix intérieure.


-Dinah… Nous sommes dans mon monde, tu crois ?

-A dire vrai Alice je ne m’appelle pas Dinah. Mais il va de soi que nous sommes dans ton monde, sinon je ne te le ferais certainement pas remarquer.

-Et comment t’appelles-tu ?

-Je suis un chat originaire de Daresbury, dans le Cheshire, je n’ai pas de nom. Mais j’aime bien « le Chat ». C’est simple et clair, concis et précis, et encyclopédique à la fois, car ce nom englobe ce que je suis et ce que je parais être tout-en-un.


Le doute semble s’installer à nouveau en elle. Comme je vous le faisais remarquer, elle ne me comprend pas alors même que je sais parler. C’est parce que les félins et les humains pensent et raisonnent différemment. Vous manquez de tout sens logique et pratique. Et face à la Raison, comme face à la Folie, vous perdez pied encore plus facilement qu’un diabétique. Je saute du lit et arrête mon bond à quelques centimètres du sol. Il est très agréable de flotter, je vous le concède et vous le conseille. Mon sourire s’élargit un peu plus tandis que, la queue en guise d’hélice, je volette paresseusement (car félinement (ou le contraire)), jusqu’à la jeune fille en robe bleue.


-Alice, mon chaton, allons descendons. Quittons cette maison plus close qu’une prison. Partons, vivons d’amour et de ronrons, ensemble…


Je lui tends une patte tendre qu’elle attrape du bout des doigts. Mes poils frémissent de plaisir.


- Et la Reine, Chat ?

-Chat n’a plus d’importance, l’acariâtre marâtre ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Je te ferais découvrir ton monde Alice, et nous contemplerons ses merveilles ensemble !


Elle rougit. Son teint prend la couleur précise d’un bouton de rose sous la lumière d’un crépuscule d’automne. Une couleur chaude et apaisante. Toujours plus large, mon sourire ressemble à un croissant de lune qu’on croquerait avec un café et ma voix (lactée) se fait plus suave. Plus sombre aussi.


-Je t’aiderai à fuir, fais-moi confiance. Mais tu auras besoin d’aide.

-L’aide de qui, de quoi ?

-D’une chenille, d’un champignon et d’un lapin blanc avec une montre, cela ne fait aucun doute. On a toujours besoin d’un lapin blanc avec une montre quand il s’agit de fuir. Sinon qui pourrait nous dire l’heure tout en galopant ?

-Aurons-nous vraiment besoin de savoir l’heure ?

-Ce serait dommage de rater celle du thé.

-Je ne bois jamais de thé, Chat.

-Moi non plus, mais j’aime connaitre l’heure du thé.


Je me coule doucement près de la porte de la chambre. Elle paraît légèrement plus tordue qu’avant, mais c’est peut-être parce que j’ai la tête à l’envers. D’un signe de coussinet j’attire Alice près de moi et regarde par la serrure.


-Tu vois quelque chose, Chat ?

-Rien de plus qu’un dodo dansant.


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