Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Le jour où je suis devenu prof !


Par : Salmanzare
Genre : Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 13


Publié le 07/07/2009 à 20:23:02 par Salmanzare

Je cours vers le bâtiment gris. Un immeuble d'une dizaine d'étages, sans doute un peu plus même. Il y a déjà une bande de charognard autour qui s'affaire. On montre la silhouette du bout du doigt, on murmure. Les gens attendent, on ne sait jamais. Ils ont peut-être peur de rater quelque chose.

Je bouscule les gens pour m'approcher plus.

- Laissez moi passer. Bon sang poussez vous. Je la connais. Mais puisque je vous dis que je la connais. Je suis son professeur de Français.

Une fois au pied, je commence à crier pour attirer l'attention de Camille. Il faut qu'elle se rende compte que je suis là.

- Camille si tu sautes, tu vas t'écraser ! C'est très douloureux, tu vas sentir tes os craquer lors de l'impact, ta tête exploser. Il va se passer plusieurs dizaine de secondes avant ta mort, peut-être même quelques minutes où tu vas rester consciente et souffrir. Tu vas te sentir en morceau et je t'assure que les secondes vont défiler lentement.
- Mais vous êtes fou ! Taisez vous, ne lui dites pas des choses pareilles, s'exclame un vieux.
- Imagine que tu te loupes Camille, tu vas souffrir puis rester paraplégique à vie. Tu seras un légume. Tu pourras plus rien faire de ta vie. Tu pourras plus communiquer, ressentir. Tu seras allongé en permanence sur un lit d'hôpital avec des tuyaux qui te maintiennent en vie. Et c'est pas moi qui viendrait te débrancher !
- Monsieur, je suis pas certain que votre méthode de persuasion soit la bonne, me souffle Ulric.

Camille ne réponds pas. Elle se contente de s'approcher du bord, la foule recule alors. Au loin, on commence à entendre la sirène des pompiers.

- Ulric. Je vais monter la rejoindre. Je compte sur toi pour retenir les pompiers. Je veux pas être dérangé pendant que je fais mon cours !
- Votre cours ? De quoi parlez vous ?

Je m'élance vers l'immeuble, bousculant deux ou trois personnes qui tentent de me retenir. Pas d'ascenseur évidemment, ce serait trop facile. Je commence à gravir les marches. J'ai le souffle court mais il faut surtout pas que je m'arrête. Je vois les marches défiler, les paliers se succéder. Puis enfin j'arrive au niveau du toit. Je pousse doucement la porte et voit Camille de dos.

Il faut que je fasse attention à ne pas lui faire peur, si elle tombe ce serait ma faute.

- Camille ?

Elle se retourne. Le regard paniqué, elle cherche ses mots mais ils ne viennent pas. Elle avance d'un pas vers moi puis recule de nouveau. Elle regarde un instant vers le bas puis s'assoit.

- Laissez moi. J'ai envie d'être seule.
- Si tu sautes, tu seras pas seule. Tu seras entouré de dizaines de personnes qui chercheront à voir ton cadavre, certains marcheront peut-être même sur toi en essayant de passer devant les gens.
Je n'ai rien demandé à personne. Je ne vois même pas pourquoi vous êtes là !
- Je suis ton professeur principal ! T'imagines ce qui va se passer pour moi si tu sautes ? Je vais avoir tous les parents sur mon dos, ils ne me feront pas confiance pour avoir la responsabilité de leurs enfants. Je serais alors mis à la porte, je déprimerais chez moi. Petit à petit, lorsque je comprendrais que aucun lycée ne prendra le risque de m'engager, je commencerais à boire pour oublier. Avec le temps, je finirais alcoolique. Et je mourrais très certainement d'une overdose dans une rue sombre aux relents d'urine. Peut-être qu'il y aura mon nom dans la rubrique faits-divers mais personne ne sera là pour s'en soucier ! Car j'ai plus que ma mère mais elle est atteinte d'alzheimer, mon meilleur ami s'est envolé pour les États-Unis, mon ex a disparu depuis trois ans. La dernière personne que j'ai rencontré est une prostituée dont je ne sais rien d'autre que le nom. J'ai pas de chien ni de poisson rouge !
- D'habitude, ce sont les gens qui vont se suicider qui vont les grandes tirades Monsieur.
- J'ai une vie de merde. Si tu te suicides, j'aurais l'impression d'avoir tout raté !
- Vous avez vraiment besoin de prostituée ?
- Non ! Je l'ai juste rencontré.
- Laissez moi.
- Je t'en prie, fais pas ça. Pense aux gens qui t'aiment.
- J'en vois aucun.
- Il y a Pierre Bache.
- Tu parles d'un raté...

Je m'approche de Camille et m'assoit sur le bord du toit à côté d'elle. Je regarde en bas et voit les pompiers s'approcher. Ils commencent à installer des barrières pour empêcher les gens de s'avancer. Je regarde
Camille.

- Regarde, tu vois le petit bonhomme qui s'agite là-bas ? C'est Ulric. C'est lui qui est venu me prévenir que tu avais des ennuis. Sans lui, je ne serais pas là.
- Et je devrais descendre le remercier de m'avoir envoyer un prof attardé ?
- Ce serait sympa et je me sentirais plus à l'aise en te sachant en bas.

Elle secoue la tête puis se cache entre ses mains. Pleurant doucement. Je n'ose pas la toucher. Je lui tends un mouchoir qu'elle refuse. Je ne dis rien et regarde en bas. Je vois Ulric qui continue de s'agiter devant les pompiers. Il est en train de d'écarter les bras pour empêcher un des négociateurs d'entrer dans l'immeuble.

- Tu sais, la vie est remplie de petits plaisirs. Il serait dommage de ne pas en profiter. C'est pas tout rose mais il faut se donner la peine de se battre !
- Vous savez rien de moi.
- Non, c'est vrai. Je ne sais pas grand chose. Tu veux pas m'expliquer ?
- Vous êtes prof ou psy ?
- Prof, mais si tu veux voir un psy : j'en connais un. J'ai un bouquin à lui rendre.
- Vous moquez pas de moi !
- C'est la vérité. Allez raconte moi ce qui ne va pas.
- Je vous connais pas ! Je vois pas pourquoi je vous raconterais ma vie.
- Justement parce que c'est plus facile de parler à un inconnu.
- Vous savez, la dernière fois je voulais vous tendre un piège. Mais j'avais dit la vérité sur mes parents, sur le divorce, les disputes...
- C'est pas facile à vivre. Je sais. Mais tu as de la chance. Moi je n'ai plus mon père pour me soutenir quand j'en ai besoin. Ma mère ne se souvient plus de moi quand je vais la voir. Je suis devenu un inconnu. Tu peux pas imaginer à quel point c'est difficile à vire. Alors cesse de te morfondre. Je te connais pas, mais je peux voir que tu comptes pour des gens de ta classe.

Camille lève la tête vers le ciel. Les larmes sont moins abondantes mais continuent de couler lentement sur ses joues. D'un geste de la main, elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille droite. Elle a le regard perdu dans le vague. Je regarde une nouvelle fois vers le bas et commence à me sentir mal. J'ai la tête qui tourne et une boule d'angoisse qui se forme dans ma gorge.

- J'ai le vertige.
- Vous êtes vraiment un prof stupide, rigole Camille.

La plupart de mes élèves le sont aussi. Je pensais avoir une soirée calme chez moi et je me retrouve sur un immeuble de dix étages avec une de mes élèves qui ne pense qu'à sauter.

- Il y a quinze étages.
- Je te remercie pour la précision, j'aurais préféré ne pas le savoir...

Camille recommence à rire, tout en pleurant. J'aimerais tellement l'aider mais je ne peux pas lui changer sa famille. Juste lui faire comprendre qu'il existe des personnes qui sont prêtes à l'aider. Qu'il y a des amis derrière elle...

- Vous croyez à la réincarnation Monsieur ?
- Pas vraiment pourquoi ?
J- 'aime me dire que j'aurais une seconde chance dans une vie meilleure. Je peux quand même pas perdre deux fois de suite. Ce serait injuste.
- Tu mérites d'être heureuse. Et on va t'aider pour que tu le sois. Donne nous aussi notre chance. Partir comme ça, c'est baisser les bras et abandonner.

Camille se lève et se tourne vers la porte. Je me lève à mon tour. Et se se tourne alors vers moi et me regarde d'un air suppliant, un air où s'inscrit toute la tristesse humaine.

- J'ai envie de mourir et de dormir pour toujours. Laissez moi s'il vous plaît. Ne vous sentez pas coupable, vous avez fait tout ce qui était possible. Vous n'avez rien à voir là-dedans.

J'attrape la main de Camille, la tire vers moi. Je la prends dans mes bras et la soulève. Elle commence à paniquer et se débattre.

- Camille, je vais te faire comprendre à quel point tu tiens à la vie !
Qu'est ce que vous faîtes ? Lâchez moi !

J'avance d'un pas et saute. J'entends Camille hurler et continuer de se débattre dans mes bras. Je ferme les yeux.


J'ai l'impression de flotter.


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