Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Sunrise


Par : Sheyne
Genre : Action, Polar
Statut : C'est compliqué



Chapitre 35 : Chapitre 23 - 1/2


Publié le 21/02/2014 à 13:26:51 par Sheyne

Angoissé, Loyd fourra les mains au plus profond de ses poches. Les yeux fermés, il prit une seconde pour souffler. L'heure était venue, toutes les chances étaient de son côté. Ses calculs étaient faits et les dés jetés. À présent, soit ça se passait bien, soit s'en était fini...

« Alors p'tite merde, tu stresses, c'est ça ?»

Une voix grave décapa la surface de son raisonnement. Montagne de muscle, Marcus le pourfendait du regard.
Le colosse le dépassait d'une bonne tête, mais le jeune homme n'en avait désormais presque plus peur. Et pour cause, ce dernier ne tenterait rien, puisqu'ils devaient opérer ensemble sûr ce coup-ci. Malgré tout, sa réponse s'emplit d'une fausse humilité, afin de ne pas provoquer :

« Oui monsieur. Mais je ferais de mon mieux, quoi qu'il advienne.»

Brusquement, la tête du monstre se pencha en avant, interloquée. N'en croyant pas ses oreilles, un instant de silence céda le pas à un rire gras, presque explosif :

« Monsieur ! Ahaha, vous entendez ça les gars ?! Le mioche m'a appelé monsieur ! Un coup de poing dans la face, ça fait des miracles !»

Plié en deux, Marcus se résolut à s'asseoir. Ils étaient cinq en tout, dans la mince ruelle, adossée à la paroi, juste sous un échafaud métallique. Situé entre deux vieux bâtiments de brique, leur campement reposait à quelques mètres d'une des artères principales de la ville. Une dizaine de minutes, c'était le temps qui leur restait pour se préparer.

Loyd dévisagea sans gène ses compagnons de fortune. Ils souriaient à peine devant l'amusement de leur chef, appréhendant la suite des événements dans la même posture résignée, à mi affalés, triturant leurs armes de poing.
Tous tendus au possible, des tics nerveux perceptibles çà et là renforçaient l'ambiance pesante. Des doigts qui se promènent sur la gâchette, une jambe secouée de quelques spasmes ou encore une mâchoire crispée s'ouvrant de temps à autre sur une rangée de dents grinçantes.
Le garçon n'en avait que faire des autres, pour l'heure, une seule chose le préoccupait : une abominable envie d'uriner qui le tenaillait depuis un bon moment déjà. Le stress a cet effet si désastreux que c'est à se demander comment l'homme avait survécu si longtemps. À bien y regarder, la théorie de l'évolution n'était que foutaise. Qu'est-ce qui avait fait qu'une frêle créature entièrement nue tienne jusqu'ici, quand face au danger le stress la paralysait, la laissant pantelante, toute tremblante, avec une affreuse envie de se vider les tripes dans un coin tranquille ? Face à un ours, ce n'est surement pas en tombant dans les pommes qu'on pouvait en réchapper...

Dans l'état présent, le jeune homme donnait peu cher de ses chances de réussites. Toutefois, il avait pensé à tout ; un brin de cocaïne embarqué de son appartement séjournait dans la poche arrière de son jean.
Tout n'était qu'évidence depuis que les cachets lui éclaircissaient l'esprit, mais la réflexion n'allait surement pas l'aider à se sortir de ce pétrin. Non... Non seulement il devrait en réchapper vivant, mais en plus il lui fallait s'en sortir avec au moins deux billets... Et cela voulait dire doubler ses compagnons, à cran et surarmés.
La drogue lui permettrait de tendre ses muscles et gagner en énergie. Il pourrait enfin faire cesser ce flot de pensées encombrantes, pour se concentrer sur la bataille. Sans la peur, l'homme n'est qu'une machine à tuer. Et c'est ce qu'il comptait devenir.
De plus, un deuxième avantage tournait les choses en sa faveur : avec Marcus, il devait être le seul à savoir ce qu'ils allaient réellement braquer ; lui seul avait entendu les quelques bribes de conversations, près de l'entrepôt... Nul ne s'attendait donc à trouver des tickets dans le convoi.

Soupirant une dernière fois pour se motiver, Loyd se propulsa en avant. Grâce à un coup d'omoplate bien placé, il se remit rapidement sur pied. Le plan était simplissime. Pour commencer, un coup de cock. Ensuite, se soulager en attendant les effets et enfin... y aller.

D'un geste fluide, ses doigts jouèrent sur la ficelle d'un petit pochon. Habitué à ce jeu là depuis des années, il eut tôt fait de dévoiler un tas de poudre blanche. Haut dans le ciel, le soleil illuminait l'avenue, étalant les ombres de sa chaleur. Fascinés par les reflets cristallins, ses yeux se perdirent un instant. Quelques murmures hautains se faisaient discrets, mais le jeune homme ne les entendait déjà plus, le petit sac entrant au contact de ses narines. Sans hésiter, il aspira d'un coup sec, avant de bloquer sa respiration. Aussitôt, la moitié du produit se logea dans les muqueuses.

Ses jambes flanchèrent, l'écrasant à terre. Agenouillé sur le bitume, Loyd se couvrit la tête, la gorge en feu, une affreuse envie d'éternuer. Mais cette sensation ne dura pas, et bientôt, une immense vague de chaleur le saisit à bras le corps. Hurlant de bonheur, un frisson l'ébroua, fusant d'un bras à l'autre, hérissant la peau, ébouillantant son dos. Assommé par la substance, il tenta de déglutir, sans succès. Avaler sa salive lui était impossible ; le visage totalement anesthésié, il ne sentait plus rien. Seul un trait de feu coulait lentement jusque dans son ventre, l'écorchant, de l'oesophage à l'estomac.

Fort de son nouvel état, son corps se redressa fièrement. La dose prise serait à la limite du supportable, le jeune homme le savait. Durant les quelques minutes qui suivraient... les effets ne cesseraient d'augmenter... Jusqu'à atteindre un pic insoutenable. Il avait forcé sur la quantité... Mais il n'était que pure puissance, après tout. Dominé par son inébranlable volonté, plus rien ne pourrait jamais lui résister, surement pas cette drogue.

Avec dédain, son regard toisa Marcus, pitoyablement écrasé dans un coin, près d'une poubelle. Cette abomination putride semblait si frêle, tellement fragile... L'évidence lui sauta aux yeux : un simple coup de pied pouvait l'anéantir. Pauvre être misérable...
Déjà, ses trois laquais le dévisageaient avec respect, captant d'instinct l'infernale aura qui émanait de son esprit.

Il les méprisa en leur tournant le dos. Ces abrutis se confondaient déjà en adoration devant la vision divine qui leur était apparue. Oui, ça se sentait. Nul besoin de les voir pour savoir ce qui se tramait dans leur petit crâne inférieur. Ils allaient le contempler en pleine action, entrain de pisser. Pisser, oui. Il allait se soulager, uriner sur toute cette fange répugnante ! Fort des litres de liquides accumulés, la ville allait accuser le coup. À la manière d'un tsunami ravageant un continent entier, ils le verraient déverser toute l'intégralité de sa puissance sur les pavés crasseux.

Alors, un coup de tonerre eclata. Alors, les dieux eux-mêmes courbèrent l'échine. Fendant les cieux, le bruit de la fermeture éclair tourbillonna tel un ouragan dévastateur, détonnant d'une formidable déflagration sonore. À elle seule, la force de l'agitation souleva de lourdes nappes de poussière qui firent trembler les murs.
Loyd ricana, se jouant de cette furie destructrice qu'il venait de déchainer en ne bougeant qu'un seul doigt. Mais il ne s'arrêta pas là... Pétries d'orgueils, ses mains plongèrent dans les gouffres de sa tenue, en extirpant l'arme suprême. Monument de pure domination, le terrifiant mortier sembla disturber le mince voile de la réalité. À la manière d'un portail entre les dimensions, la chose s'engouffra violemment dans ce monde, jaillissant du plus profond des abysses, s'échappant du tréfonds des enfers. La mort, voilà ce qu'il allait répandre.

Lorsque le jet jaillit hors de sa prison, les volutes de terreur soulevèrent le sol, creusant la terre de leur acide corrosif. Flot infernal ininterruptible, l'épouvantable cascade transperça l'espace telle une ogive nucléaire. Toute sa puissance se concentra, fusant en un instant, brisant les chaînes de sa captivité pour aller annihiler sa cible.

Puis... vint l'impact : dans un grondement sourd, le liquide en surfusion fracassa la paroi. Aussitôt, les fondations s'ébrouèrent, tremblant jusque dans les profondeurs insondables de la croute terrestre.
Mais tout cela n'était pas assez... Oooh non ! Exultant, le Créateur plaça les bras au dessus de sa tête, guidant le rayon destructeur par la seule force de son déhanché. L'arme s'emballa, tentant d'échapper à tout contrôle, empruntant diverses trajectoires indéterminées. Mais la puissance mentale du nouveau Dieu était telle que le tracé se mua en cercles parfaits, de plus en plus rapprochés, de plus en plus redoutables. Faisceau de pure énergie, le torrent sous pression perça le mur en son centre, laissant les vieilles briques centenaires fondre sous ses terribles assauts.

Devant l'Apocalypse, ses compagnons tremblaient comme de vulgaires feuilles mortes. Il lui aurait suffi de se retourner pour les éclabousser... Pour les réduire instantanément en cendre. Et tandis que le flot redoublait d'intensité, l'abominable auréole qu'il dégageait les écrasait.

Quand finalement Loyd décida de faire cesser le cataclysme, il fut assez bon pour daigner ranger son membre viril. Ainsi épargnés par ce fléau sans nom, par le chaos qui venait de s'abattre, les humains soufflèrent de soulagement. L'un d'entre eux en vint même à le vénérer, des étoiles pleins les yeux, époustouflé par sa formidable prestation :

« L'hélicoptère ! L'hélicoptère ! L'hélicoptère !»

Bien entendu, il était absolument normal qu'il ait fait un effet pareil. Après tout, sa supériorité ne pouvait qu'apporter la jalousie et l'envie. Même Marcus se perdit en compliment, totalement ébloui :

« Au moins, cette fois, tu ne t'es pas pissé dessus. C'est l'heure, le convoi va arriver, on passe à l'action.»

Au loin le soleil étincelait, recouvrant de son ombre la sinistre tragédie. La tête haute, il s'éloigna lentement, abandonnant derrière lui un champ de ruines encore fumantes.


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