Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

La mésaventure d'Aliz


Par : PaulAllender
Genre : Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 17 : Le souf(f)re et le bâton,


Publié le 07/04/2012 à 23:47:22 par PaulAllender

Après avoir patienté une heure de plus - et peiné de manière incommensurable à m'endormir - on ouvrit une fois de plus la porte de ma cellule.

-Acehn Salan ? lança l'homme qui venait d'entrer
-Ouais... ?
-Tu peux t'en aller, et ça sera pas la peine de revenir.
-Pardon ?
-Ta copine est passée avec tes papiers, et elle a croisé la famille du plaignant à l'accueil, ils ont retiré la plainte, vu le contexte... Enfin, elle t'expliquera tout ça, en attendant, t'es libre.
-...

Sans plus de cérémonie, je me levai et sortis de la cellule avant qu'on ne me rende mes affaires et me reconduise à l'accueil. Il était 11H, j'avais passé sept heures enfermé ici, toujours sans un mot, je sortis du commissariat et retrouvai Aliz qui m'attendait devant et venait de finir sa clope.

-Putain, t'es venue ! lui dis-je en la prenant dans mes bras 
-Et bah quoi, ça t'étonne on dirait.
-C'est pas comme si tu m'avais envoyé bouler ya... euh... quelques heures quoi !
-Tu m'as traitée de salope ! fit-elle en écarquillant les yeux
-J'avais besoin de toi en urgence et tu discutais alcool avec Lina !
-Et bah j'suis v'nue, tu cherches à m'le faire regretter ou quoi ?!
-C'est pas ça, c'est juste que... Bref. 
-Bref, ouais, comme tu dis. me coupa-t-elle sèchement 
-C'quoi les bails avec l'autre là ?
-T'es pas au courant c'est vrai...
-De quoi ?
-Tu vois ce mec, son père est un putain de blindé de ouf, mais vraiment hardcore, bah genre il finance en partie des pompages qu'Israël fait sur le Jourdain.
-... Et donc ?
-Et donc bah il était la cible - non officielle - de plusieurs extrémistes, et ce matin, ça fait genre quoi, trois-quatre heures ouais, même pas, ça devait être la bar mitsvah de son reuf, ils ont pris la voiture avec leur père, et... Elle a explosé, apparemment, elle était piégée, et les trois sont morts dans l'explosion... On en sait pas plus pour le moment, c'est la mère qui m'a raconté ça, elle pleurait de ouf à l'accueil et j'l'ai bossée un peu pour qu'elle laisse tomber la plainte quoi, mais ça va faire une polémique de bâtard cette histoire, bientôt ça sera la loi martiale si ça continue...
-Putain, c'est... Ouah. Je sais même pas quoi répondre, tu viens de me choquer salement là...
-J'imagine ouais.
-Putain, il m'avait foutu l'seum, mais il méritait p't'être pas d'crever comme ça quoi...
-C'est sûr...
-... Enfin, comme on dit chez marque repère, ne prenez que l'meilleur...
-... Hein ?
-Pas de plainte, pas d'jugement !
-.... Tu m'dégoutes...
-Oh, va t'faire foutre hein !
-T'es trop con,  mais t'as raison ! ria-t-elle avant de m'embrasser

C'était triste, fallait le reconnaitre, mais aller, quoi, j'allais pas pleurer pour un type qui faisait pomper l'eau en Palestine et son fils qui m'avaient foutu le seum et mît dans la merde en inventant des accusations... C'était triste pour le p'tit frère, ça c'est sûr, et pour la voiture à la limite, une Bentley qui explose, ça fait toujours mal au cœur, mais c'est tout... J'avais vraiment d'la chance !
Évidemment, ça avait viré au drame national ; commémoration, marche silencieuse, minute de silence, on relançait une fois de plus la question de l'antisémitisme lattant et persistant toujours au XXI eme siècle, comme d'hab. C'était regrettable dans l'fond, on pouvait pas le nier, un attentat à la voiture piégée ça se cautionne pas, mais, pffff, ça devenait lassant de toujours voir les mecs du CRIJF à la télé,  les JT faire des éditions spéciales, les journaux des gros titres chaque jour... On hurlait à la menace terroriste en Europe, on donnait une nouvelle justification à la guerre en Afghanistan et en Orient... Peu après, de nouvelles troupes y furent déployées, une branche d'Al Qaïda ayant - d'après les médias, mais sans sources officielles - revendiqué l'attentat ; ou comment la mort de trois personnes à Paris allait provoquer celles de plusieurs centaines de soldats et de civils à l'autre bout du monde.
Enfin, on y était pas encore, mais ça n'était pas dans un futur si lointain...


À peine remis de ce week-end houleux, le lundi même, le 9 février 2013, une autre histoire allait me pourrir la vie...
Alors que j'étais venu chercher Aliz à son lycée, je passai à un tabac situé tout près de l'établissement, j'y achetai un paquet de camel essentiel et une boite d'allumettes, faute de thunes dans les poches. Je marchais en direction du lycée, attendant en face de l'entrée, la clope au bec, quand je la vis sortir, rouge de fureur et de honte, les larmes aux yeux, sous les huées et les insultes de quasiment tout son lycée. Je traversai la route en trottinant et m'avançai vers elle pour la rejoindre, quand elle me tomba dans les bras, presque en pleurs.

-Putain Aliz, mais y s'passe quoi là ?!
-Désolé Ace... Je... Putain d'merde, j'en ai marre...
-Qu'est ce que...

Sans que j'aie à poser la question je vis une foule de personne, tous avec leur portable dans la main se marrer et hurler. Je m'avançai vers eux, en arrachai un au hasard et regardai de quoi il en retournait. Et bordel, si j'avais su qui se faisait retourner... C'était une vidéo d'Aliz qui se faisait prendre par le cul et criait comme une salope, inconsciente d'être filmée ; et ce, pendant 7 minutes.

-Hé rends moi mon portable toi ! me fit un des mecs de la foule
-Tiens, reprends ta merde...
-Tranquille, j'y peux rien si ta meuf c'est une pute moi !

Toute la foule se mit à nous huer et à nous insulter Aliz et moi, jusqu'à ce que je ne mette une gifle qui claqua sec dans toute la rue au type dont j'avais pris le portable.

-Qu'est ce qu'il y a maintenant hein ? Yen à encore un pour dire que c'est une pute ? J'l'écoute si c'est l'cas, et qu'il avance, j'lui règle son compte moi même, maintenant ! Bande de fils de pute !

Tout le monde s'écarta instantanément, sans un mot.

-Ouais, c'est bien c'qui m'semblait. dis-je, le ton méprisant
-Mais vas y tu crois qu'tu fais peur à qui ? On est cinquante mon gars, tu vas faire quoi, hein ? lança un type au milieu de la foule.
-Bah viens alors ! Venez tous même !

Sans que je comprenne ce qui se passait un type sortit de nulle part et m'aspergea de manière extrêmement - voire trop, même - généreuse  les yeux de bombe lacrymogène. C'était la même sensation que quand Aliz m'avait gazé, mais là, bizarrement, ça piquait encore plus ; l'envie de pleurer n'était sûrement pas là pour hydrater mes yeux comme la fois précédente. 

-Putain Ace, c'est pas vrai ! dit Aliz en larmes
-Barre toi, rentre putain ! lui lançai-je tant bien que mal.

Ainsi, dix, vingt, trente peut-être, personnes s'étaient réunies autour et avaient commencé à me gifler toutes en même temps. Cette fois, je me remémorai le jour de l'anniversaire d'Aliz où, au même endroit, j'm'étais fait humilier par les élèves du même lycée, sauf que là, c'était le même délire, mais puissance mille.

-Bande de putes... balbutiai-je en serrant les dents
-Putain c'est hardcore, téma ses joues, elles sont violettes mon gars !
-Nan, on dirait genre on lui a enlevé les dents d'sagesse !
-Oh l'batard, moi j'dis il a une tête de poulpe, ou j'sais pas quoi... !

"Tête de poulpe", mais quel enculé ! Ok, c'était drôle, mais c'était pas une raison... Quoique.. ! J'ai du me ramasser une bonne centaine de claques en deux minutes, mes joues me brûlaient, j'sentais même plus la douleur pour tout dire, chaque claque réussissait juste à m'énerver un peu plus.

Putain, la journée était vraiment pas grandiose, et dans le même temps, j'étais pas le seul à m'être mis dans la merde.. Les deux gorilles de Fomalhaut - ceux qui nous avaient emmené en voiture on n'savait trop où -, depuis la disparition de leur chef (après le braquage de la Société Générale), vivaient tant bien que mal de petits braquages, rackets ou trafics. Ce jour là, ils avaient volé une bagnole dans le V ème, une putain d'mercos d'ailleurs, le propriétaire avait essayé de les en empêcher, mais il avait simplement réussi à récolter un coup de schlass dans le gras. L'homme avait hurlé, mit la main sur sa plaie béante, tandis que le sang se déversait en abondance sur le trottoir et que des morceaux de tripes étaient restés accrochés à la lame crantée de son agresseur. Manque de chance pour eux, tuer un mec en plein Paris, ça rameutait facilement les flics, et à peine le premier avait-il eu le temps de ramasser les clés dans les poches du propriétaire et de les jeter au second qu'il se fit abattre. En même temps, tuer un mec devant les flics, sortir un flingue et les braquer juste après, c'était pas la meilleure idée que ce blaireau aie eut... Enfin, toujours est-il que le survivant s'était mit à rouler à toute vitesse dans les rues de la capitale, tentant par la même occasion de flinguer les flics en passant sa main par la vitre pour arroser la route au hasard de temps en temps. La riposte ne se fit pas attendre, après plusieurs tirs, le réservoir de la voiture volée avait commencé à fuir et déversait son essence sur sa route.
Alors qu'ils remontaient la rue du lycée à toute allure pendant que je me prenais des baffes, la sirène de la voiture de flic, de l'autre bout de la rue, alerta mes bourreaux du moment instinctivement ; instantanément, tous commencèrent à remonter, eux aussi, la rue en courant. C'était pas pour me déplaire, je m'étais redressé tant bien que mal, calé au sol en m'appuyant  contre la façade du lycée, je sortis une clope et mes allumettes, pour me remettre de ce nouveau genre de lapidation sommaire, encore inédit en France. Je mis ma clope dans ma bouche et grattai une allumette qui s'éteignit instantanément.

-Saloperie, ça s'éteint au moindre coup d'vent...

J'en sortis ensuite quatre du paquet, que je grattai en même temps, réussissant cette fois ci à allumer ma clope. A ce moment précis, alors que j'avais commencé le mouvement pour les lancer sur la route comme je faisais habituellement, une voiture passa devant moi à toute allure, suivie en mode collé serré par une voiture de flic. Continuité du mouvement oblige, les allumettes s'envolèrent au milieu de la route et enflammèrent la traînée d'essence laissée par la bagnole volée qui s'embrasa et enflamma la source qui, arrivée à la hauteur du  groupe qui m'avait agressé auparavant, explosa tout bonnement. La caisse de flics qui suivait celle qui venait d'exploser partit en tête à queue, percutant violemment ledit groupe déjà victime de l'explosion, avant de buter contre le trottoir, de faire plusieurs tonneaux et de s'encastrer dans un mur.

-Putain d'merde...

Ma clope était tombée d'entre mes lèvres, heurtant le trottoir ; c'est dire à quel point j'en revenais pas. De fait, tout le monde devant le lycée était sous le choc, certaines personnes éclatèrent en sanglot, tandis que d'autres vomissaient sur le trottoir, abasourdis et marqués à vie par la scène à laquelle ils avaient assisté. Franchement, c'était hallucinant, fallait l'reconnaitre. Je regardai ma main gauche, celle par laquelle je ne sais combien de personne venaient de perdre la vie, de manière aussi instantanée qu'accidentelle.

-Aaaaace ! Aaaace !

C'était la voix d'Aliz, et ses talons qui tapaient sur le goudron au rythme de sa course pour me rejoindre.

-Putain de merde, mais il s'est passé quoi là ?! 

Elle s'agenouilla à mes côtés, et elle pleurait, encore, à chaudes larmes, larmes plus ardentes et instables encore que l'explosion que j'avais provoqué quelques minutes auparavant.

-... 
-Pourquoi tu réponds pas putain ?!
-...
-Ace, mais bordel de merde, tu pourrais répondre quand j'te parle !

Elle attrapa le col de mon polo et se mît à me secouer aussi fort qu'elle le pouvait, ne sachant plus comment me faire réagir. Puis, dans un élan de haine, elle lança son bras dans les airs pour me décoller une giffle monumentale, que je bloquai en lui saisissant le poignet. 

-... Calme toi... Je.. Je viens de me prendre en trois minutes plus de claques que je n'en ai ramassé en dix-huit piges, et j'viens juste de tuer... beaucoup d'monde en un mouvement du bras, tu l'crois ça ?
-WTF... ?
-Ça m'a fait le même effet...
-Tu t'fous d'moi là.. ?
-Oh, crois moi, j'aimerais bien... J'aimerais bien, Aliz, sincèrement.

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