Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

La mésaventure d'Aliz


Par : PaulAllender
Genre : Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 21 : Schéhérazade


Publié le 25/08/2012 à 22:33:40 par PaulAllender



La tension était tant palpable que visible, le silence envahi la pièce en une fraction d'instant, aussi rapidement que les nazis en Pologne. La lumière du soleil traversait le carreau de mon appartement, et le verre de vodka de Schéhérazade, se réfractant sur la table en une myriade de couleurs qui transcrivaient inquiétudes larmoyantes et furie vengeresse. Le silence était roi, jusqu'à ce que, de crispation, je ne lâche mon verre, qui explosa au sol, éparpillant ses bris et son éthanol sur le sol. Elle avait son arme braquée sur Aliz, le doigt sur la gâchette. Son regard ne dégageait toujours rien, si ce n'était une once de folie meurtrière dans les yeux.

-Schéhérazade, déconne pas, braque ton arme sur moi, braque moi à sa place putain ! criai-je dans un élan de désespoir 
-Ta gueule, Acehn Salan. Tu vois là avec tout ce qu'on a bu, j'suis un peu bourrée et...
-Un peu ? Tu tiens même pas droite ! ricana Aliz
-Toi aussi ferme ta gueule, Aliz Cristina Elisabeth Guardiola Bright. Ne m'interrompez pas ! Au cas où vous n'auriez pas remarqué, j'ai une arme dans la main, et quand on est bourré, on fait des conneries, ça serait con que le coup parte tout seul, hein ? N'est ce pas, Acehn Salan ? Que dirais-tu si "la fille que tu aimes et qui partage ta vie"... perdait la vie, hum ? me tourmenta-t-elle de sa voix de gamine en penchant la tête sur le coté et en affichant un sourire de psychopathe
-Fais pas de conneries je t'en supplie Schéhérazade ! lui dis-je en sentant le sang battre à mes tempes et au bord des larmes
-Écoute, princesse. Je voudrais surtout pas avoir l'air de faire la foulek, mais... Contrairement à ce que tu as l'air de penser, c'est pas la première fois qu'on me braque avec une arme tu sais... dit Aliz en s'approchant d'un pas timide
-Tais toi Aliz, tais toi... lui dis-je en serrant les dents

Schéhérazade la regarda de la tête au pied et ria aux éclats, comme une enfant devant son propre spectacle de marionnettes.

-Vous m'faites rire... Écoute moi bien, Antarès. Je sais très bien que je ne suis pas la première à te menacer d'un flingue. Tu ne le sais pas encore, mais tu me dois une allégeance sans faille, du moins pour encore... un peu moins de neuf mois. dit-elle toujours titubante 
-... Comment ça ? J'te dois rien, princesse de mes couilles ! cria Aliz
-Oh que si... Oh que si ! ria-t-elle bêtement à nouveau.

Schéhérazade, toujours en braquant Aliz de la main droite, baissa son débardeur de la main gauche, dévoilant sa poitrine, sur laquelle on pouvait voir un tatouage représentant un grand chien.

-Comment... bégaya Aliz en reculant les yeux écarquillés
-Qu'est ce qui se passe ? interrogeai-je Aliz, incompréhensif 
-Tu commences à comprendre, Antarès, hein ?
-C'est pas vrai... J'dois être entrain d'rêver... dit-elle dans un murmure d'effroi 
-Oh non, si en cet instant, ce que tu voyais de tes yeux devait être irréel, ça serait plutôt un cauchemar... Car je suis bel et bien ton pire cauchemar. rétorqua-t-elle en affichant un sourire proche de la démence
-Je... Tu es censée être morte ! Encore un de tes mensonges ? dit-elle en mettant la tête dans ses mains
-Non. On ne t'a pas menti. Sirius est bel et bien mort. Je suis juste sa fille. souria-t-elle ingénument
-Oh putain c'est une mauvaise blague... paniquait Aliz
-Non. l'en assura Schéhérazade de son sourire toujours aussi niais
-Viens en au fait, t'as dit qu'on allait t'aider, qu'est ce que tu nous veux ? la questionnai-je 

Schéhérazade laissa un court silence, avant d'arpenter en long et en large le sol de ma cuisine, tantôt jouant avec son arme, tantôt braquant Aliz avec.

-Vous savez, ça n'a pas été une mince affaire de te trouver. Il y a deux ans, quand mon père est mort, assassiné d'une balle dans le coeur, j'ai mis du temps à faire mon deuil. J'avais... à peine douze ans vous voyez, alors... Je savais qu'il avait... des business pas nets. Quand je me suis plongée dans ses affaires il y a six mois, j'ai découvert des choses assez intéressantes, et, pour le moins troublantes. Alors que je fouillais dans son bureau, j'ai découvert un plan de Paris, caché au fin fond d'un tiroir, avec quatre marques, un taureau sur le XVIIIème arrondissement, un lion sur sur le XVIème, un scorpion sur le XIIIème, et des poissons sur le Ier. Les quatre symboles avaient un point en forme d'étoile dessus, le taureau entre les cornes, le lion dans la gueule, le scorpion sur le dard, et les poissons entre eux deux. Ça m'a troublé, et j'ai fait des recherches là dessus. Rapidement, j'en suis arrivée aux quatre étoiles royales des Perses, appellation qui date d'il y a plus de cinq mille ans ! Aldébaran, Régulus, Antarès et Fomalhaut. J'ai cherché le sens de tout ceci, je m'étais longtemps demandé ce que signifiait le grand tatouage en forme de chien que mon père avait sur le torse, et j'ai compris. En me penchant un peu sur les étoiles, j'en ai appris plus sur ce tatouage, il représentait la constellation du grand chien, et plus particulièrement Sirius, l'étoile la plus brillante du ciel nocturne. Ainsi ai-je commencé mes recherches, j'ai cherché cet "Aldébaran" dans tout le XVIIIème, pendant plusieurs mois, sans succès, avant de finalement apprendre que Karim "Aldébaran" Malek Djaouri était en prison, à Marseille. J'ai rapidement lâché l'affaire, et me suis concentrée sur Régulus. Après des recherches longues et intensives, j'ai retrouvé sa trace en la personne d'Alexandre "Régulus" Mark Reese. J'ai intégré son lycée, notre lycée donc, à la rentrée. Malheureusement, je n'avais pas le temps d'être très présente, mes recherches sur les Quatre, entrainements au combat, aux armes et mes investigations sur les affaires de mon père ne me laissaient pas énormément de temps libre... Ainsi, j'ai payé toute la classe pour être élue déléguée, bien que quasiment toujours absente, au moins autant que toi, Acehn Salan, pour que les prof ne puissent me faire virer du lycée, en plus de mes résultats. Malheureusement, il est mort peu après la rentrée, renversé par un bus, mais je ne t'apprends là rien, vu qu'il était ton meilleur ami, n'est ce pas ? C'est donc naturellement que je me suis ensuite penchée sur Antarès. Mais celle la était très difficile à trouver, je passais des journées entière à te pister, sans le moindre résultat. C'est quand j'ai récemment vu cette vidéo porno qui a tourné un peu partout sur toi, Aliz "Antarès" Cristina Elizabeth Guardiola Bright, que j'ai remarqué le scorpion tatoué sur ta cheville gauche. La providence... m'avait offert ta tête sur un plateau, alors, c'est tout naturellement, quand j'ai entendu Acehn parler avec le professeur de SES ce matin de toutes ces histoires dans le couloir que j'ai fait le rapprochement entre vous, et que j'ai compris qu'il me mènerait à toi très facilement. Étant déléguée, et alors que je cherchais une solution pour quitter la classe et me retrouver seule avec toi, j'ai été étonnement surpris que Trinh me l'offre, après même pas une minute ! J'ai donc gratté l'amitié avec toi, je t'ai attiré hors du lycée, je t'ai fait picoler pour te faire parler, mais ça n'a pas fonctionné, tu ne m'as rien appris de plus que ce que je savais déjà. Et alors là, ça a été le bouquet tu es venue directement à moi, toi, Antarès ! Maintenant, nous y sommes, Aliz, Karim, Alexandre et ce Fomhalaut, vous étiez les quatre lieutenants de mon père, si j'puis dire - un est bien trop loin pour moi, un autre est mort, j'ignore tout de l'autre, mais toi, je t'ai trouvée ! Vous étiez dans ses confidences, et j'en suis sûr, tu sais qui est ce Fomhalaut, donne moi son nom, et je disparaîtrai de vos vies aussi vite que j'y suis rentrée.

Devant tant de révélations, Aliz et moi étions restés silencieux, abasourdis. Comment garder son calme après avoir appris tant de secrets en si peu de temps ? Aliz avait reculé contre un mur, et s'était glissée de tout son long, lâchant son couteau et se prenant la tête dans les mains. Schéhérazade braquait toujours Aliz avec son glock, avec le même air impassible de gamine violente sans le moindre scrupule ou respect des lois, qui ne laissait rien transparaître de ses pensées.

-J'attends. poursuivit-elle
-Écoute Schéhérazade, on en sait pas plus que toi, on sait pas où, ou même qui est ce "Fomhalaut" et...
-Mensonge, erreur. m'interrompit-elle
Je sais que tu n'étais pas par hasard dans cette banque quand tu as été pris un otage. C'était un coup monté de Fomhalaut, qui a organisé ce braquage, alors, ne me dit pas que tu ne le connais pas ! hurla-t-elle comme une enfant gâtée 
-... Comment, comment tu sais ça ? avais-je répondu, impuissant
-Je vous l'ai dit, j'en sais bien plus que vous ne pouvez l'imaginer... J'ai regardé ce braquage à la télé tu sais, et j'ai vu comment étaient habillés les preneurs d'otage. Leurs tenues correspondaient exactement à cette photo que j'ai trouvée dans le tiroir de mon père. 

Elle sortit son portable, et nous montra une photo. C'était Fomhalaut, pris en photo par Sirius lui même, toujours dans le même genre de tenue que quand nous l'avions rencontré, le visage couvert, comme d'habitude.

-Alors, on joue carte sur table, hum ? m'interrogea-t-elle
-Sérieux, on en sait pas plus que toi.  Il a... disparu après le braquage ! Honnêtement, nous aussi, il nous a baisés, j't'assure que j'te dis la vérité, laisse nous putain...
-Ça n'est pas toi que je cherchais, et que je voulais interroger, Acehn, mais bel et bien Antarès. Lève toi p'tite pute ! fit-elle en lui mettant un petit coup de pied dans le tibia
-Va t'faire... hésita Aliz
-Va t'faire quoi, hein ? répliqua Schéhérazade en me braquant son glock sur la tempe.
-Ok, c'est bon, on va tchatcher, mais bordel, le tue pas putain, il y est pour rien ! dit-elle en se jetant à ses pieds, pleurant toutes les larmes de son corps
-Où, ou au moins, qui, est, Fomhalaut, pour la dernière fois. lança-t-elle 

J'avais jamais vu Aliz comme ça, elle était dans un état encore pire que le jour du braquage, où elle m'avait avoué s'être fait violer quatre ans auparavant. Elle me donnait à moi aussi l'envie de pleurer en la voyant ainsi, je nous avais mis dans la merde en ramenant chez moi une folle furieuse, pleine de mystère et de ressources, aux moyens illimités, à laquelle il était impossible d'échapper, et qui nous menaçait d'une arme dans ma cuisine.

-J'sais ap bordel... J'peux te dire qu'il avait des hommes de main, deux gros qui nous...
-Ils sont dead, dans l'explosion de la voiture devant ton lycée la semaine dernière. Enfin, un d'entre eux, l'autre s'est fait flinguer par les flics quelques minutes avant. T'as rien d'autre pour moi ? répondit-elle du tac au tac
-Je sais pas putain... euh... Si ! Le 21 décembre dernier, je devais le capter à Bastille, et c'est une doublure qui est venue à sa place !
-Une doublure tu dis ? En es-tu certaine ?
-Ma vie putain, il avait pas d'tatouage dans l'dos !
-Hum... 

Schéhérazade rangea son arme, s'alluma une autre clope, et se dirigea vers la porte. 

-Vous pouvez garder l'alcool. dit-elle en souriant

Puis elle l'ouvrit et sortit de mon appartement, fermant derrière elle. Au dernier moment, elle la réouvrit avant qu'elle ne claque et passa sa tête entre la porte et le mur pour nous parler.

-Oh, et merci pour cette information. Je ne serai jamais vraiment loin. Et si tu as menti, Aliz "Antarès" Cristina Elizabeth Guardiola Bright, ton cher Acehn Salan pourrait le payer... de sa vie. N'oublie pas que nous sommes dans le même lycée hihihi ! ricana-t-elle encore plus bêtement qu'à l'accoutumée avant de disparaître. 

-Putain... Aliz, je suis dé...
-Non, c'est moi qui suis désolée Ace, tout ça c'est ma faute et je...
-C'est moi qui l'ai ramenée ici puis...
-Nan si elle t'a causé c'est ma faute de base...

Nous nous interrompions sans cesse, ne laissant pas l'autre terminer la moindre de ses phrases avant de nous jeter l'un dans les bras de l'autre. Aliz pleurait à nouveau sur mon épaule, et bien que j'en eus moi aussi une envie irrépressible, je me retenais, ma copine pleurait dans mes bras, j'allais pas pleurer en plus dans les siens, ça faisait pas sérieux dans le genre petit ami réconfortant, vous voyez ? Cette situation avait une fois de plus resserrer nos liens et renforcer notre amour, mais combien de temps allions nous pouvoir tenir comme ça ? Harcelés par des fous, des truands de la pire espèce, nos sentiments l'un envers l'autre étaient mis à rude épreuve, mais aucun de nous ne faillait à la tâche. Alexandre m'avait décrit Aliz comme la pire des salopes, disant qu'elle m'attirerait plein d'emmerdes et joueraient avec moi. Il avait raison sur un point, les ennuis pleuvaient à verse sur nous, mais elle m'avait démontré qu'elle était une fille fidèle, et aimante ; pour qui savait la supporter. Le diable en personne ? Si elle était aussi abjecte qu'il  l'avait dit, j'avais au moins réussi à la faire changer, ses larmes en étant un gage de vérité... Du moins je le pensais, sincèrement, et je le pense encore aujourd'hui, ou bien peut-être ai-je voulu le penser. Mais comment mon avis aurait-il pût en être autrement, devant et après tout ceci... ?

Dès le lendemain, je retournai en cours, et fus convoqué malgré moi chez la CPE pour mes frasques d'hier avec Trinh. Alors qu'un surveillant m'accompagnait dans son bureau, juste après que j'aie franchi l'entrée du lycée, j'eus comme un mauvais pressentiment ayant ressenti... de mauvaises vibrations où un truc dans l'genre. Sûrement parce que je savais que cette vieille chieuse allait me prendre la tête et me péter les couilles pour des conneries, me direz vous. En pénétrant dans son bureau, elle me fit m'asseoir, et quelques secondes après, la porte s'ouvrit à nouveau.

-Mademoiselle Assan est là, madame. fit la surveillante

J'en revenais pas, Schéhérazade était là devant moi, le même sourire candide qu'elle arborait si fièrement en toutes circonstances. La CPE la fit s'asseoir elle aussi,  sur la chaise à côté de la mienne, et commença à nous parler.

-Bien. J'imagine que vous n'ignorez pas pourquoi vous êtes là, n'est ce pas ?
-Si c'est à propos d'hier je... dis-je en tentant de faire une phrase, quand elle m'interrompit
-Oh on s'en fiche de ça ! Enfin, non, ça n'est pas banal, mais je ne veux pas vous parler de ça. Écoutez, vous êtes les deux meilleures élèves de cette classe, mais aussi les plus absentéistes, et ça n'est pas admissible dans un établissement tel que celui ci. Vous êtes tous les deux arrivés cette année, et c'est une grande chance pour vous, monsieur Salan, d'être ici, quand on sait qu'il y a quelques années de cela, votre ancien lycée était le pire de France. Quant à vous, mademoiselle Assan, vous êtes... très jeune, la plus jeune élève de terminale que cet établissement aie jamais accueilli. Vous êtes brillants, mais, tout comme vos professeurs, je m'inquiète pour vous, vous accumulez un nombre réellement impressionnant d'absence, soixante-treize heures de cours manquées et injustifiées pour tous les deux, et nous ne sommes qu'au mois de février ! Comprenez que nous ne pouvons tolérer un tel comportement, vous serez donc collés une heure pour toutes les trois heures de cours manquées non justifiées. Et vous le serez ensemble. Et je ne veux certainement pas vous entendre dire que vous allez les justifier, je fais ce métier depuis longtemps avant même votre venue au monde, et si ces absences avaient des motifs valables pour être justifiées, elle le seraient depuis longtemps. Point à la ligne, c'est non discutable. J'espère que je suis claire.
-On ne peut plus claire, madame Grimotte ! souria Schéhérazade
-Très bien, ravie de vous l'entendre dire, mademoiselle Assan. J'espère que vous avez bien compris vous aussi, monsieur Salan.
-Oui. J'ai compris. répondis-je, effrayé à l'idée de passer vingt-quatre heures de colle seul à seul avec elle 
-Très bien. Vous pouvez regagner votre salle de cours. Oh, et concernant l'incident d'hier... Que cela ne se reproduise plus, ou sinon, je me verrai dans l'obligation de vous exclure. On vous donnera la liste de vos... vingt-quatre heures de colle - pour le moment, réparties sur le second trimestre. À plus tard, et bonne journée à vous !

Nous sortîmes donc du bureau, et Schéhérazade me fixa, son sourire acide assistant assurément sur la sanction qui venait de tomber sur nous, et elle le savait, elle ne m'enchantait guère.

-C'est parfait tout ça, j'aurai encore plus l'oeil sur toi. Et ça nous laissera du temps pour discuter... de choses sérieuses. me murmura-t-elle dans le creux de l'oreille en un chuchotement à peine audible, et si glacial qu'il en aurait à coup sûr fait pâlir d'effroi la peur en personne.

La sueur coula le long de mon cou, j'avais peur, peur d'une fille de quatorze ans que j'allais déjà devoir côtoyer tous les jours, et là, on venait de me rajouter une bonne couche de rab avec elle... Qu'avais-je donc bien pu faire pour mériter tout ça ? Depuis que le hasard avait mit sur ma route la fille parfaite à mes yeux, j'enchainais ce qui passait pour courroux célestes, malchances et cruelles intentions de la part d'illustres inconnus. Était-ce le prix à payer pour vivre un amour si parfait ? Peu m'importait, si réellement c'était le cas, j'étais prêt à payer cash le prix de cette curieuse mésaventure.


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