Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Red Brenn


Par : Conan
Genre : Polar, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 8 : Comédie


Publié le 01/11/2012 à 01:57:41 par Conan

Le Simone. J'suis devant. Samedi soir, pas mal de monde se presse et se bouscule sur les trottoirs de Pigalle. La file d'attente devant la boite est longue. J'regarde ma montre : onze heure quarante-cinq. Dans un quart d'heure, Emma a rendez-vous avec son client, maître Frénant. Cinq minutes avant, elle m'ouvrira l'issue de secours, la grande double-porte anti-incendie au fond d'une petite ruelle sur le côté de la boite, bien à l'abri des caméras et des regards indiscrets.

Je m'allume une dernière clope et j'palpe mon calibre à travers mon cuir. 357. six coups, soit cinq bastos en bonus.

Minuit moins huit. Il est temps d'y aller. J'me taille un passage au milieu de la foule d'inconnus et j'attends devant la porte de derrière, caché de la lune et des lumières de la ville, à l'ombre des bâtiments.

Moins cinq. La porte se déverrouille. La bouille d'Emma derrière. Elle me lance un petit sourire angoissé. Mon visage reste fermé. Je hoche la tête. Je lui touche l'épaule pour qu'elle me laisse passer, elle se pousse et referme la lourde derrière moi.
-Évite de perdre du temps dans les formalités d'usage. J'ai pas envie de traîner trop longtemps dans la place.
-Dès qu'il arrive, je l'emmène au petit salon. Tu sais ou c'est ?
-Ouais. Dans le couloir, derrière le bar ?
-C'est ça. Pendant ce temps, t'auras qu'a attendre dans les toilettes. Quand on entre dans le petit salon, je trouverai un prétexte pour en sortir et le laisser seul. Je te laisserai deux minutes avant de revenir, que tu aies le temps de filer. La pièce est insonorisée, en plus ya de la musique. Ça devrait bien recouvrir le bruit, s'il doit y en avoir.
-Ça roule.
-Il devrait plus tarder. Fais-toi discret.

Elle me fait un clin d’œil. Elle essaye de paraître détendue, mais ça marche pas. Pas avec moi.

J'inspecte la zone. Un long couloir en forme de L dont le bout de la boucle donne sur une porte qui mène à la grande salle. A l'autre bout du couloir, la sortie de secours. Au milieu, le petit salon, en face des chiottes. J'vais m'y foutre.

J'en profite pour pisser un coup. Le pipi de la peur comme on dit. Je regarde dans le couloir depuis une petite vitre sur la porte des toilettes. C'est sombre.

J'attends. J'attends. J'attends. Ils sont là.

Emma tient la main du gros vicelard qui la matte comme un chien n'oserait pas regarder un bout de barbaque sanguinolent.

C'est ta dernière trique, Frénant. Ton prochain afflux sanguin va dégouliner le long du second trou du cul que mon flingue aura planté en plein milieu de ton caberlot.

Emma ouvre la porte du petit salon à Frénant qui s'y précipite comme un gosse entre dans un magasin de jouets, sans savoir qu'il se jette dans la gueule du loup en se pourléchant les babines. La petite se tourne rapidement vers les chiottes, comme pour avoir un contact visuel avec moi, histoire de se rassurer. C'est clair, ce type est malsain.

La porte se referme, et j'attends encore. Juste le temps pour elle de dire une connerie du genre « je reviens, j'ai une surprise pour toi, mon gros loulou » ou encore « je vais chercher une bouteille de champagne pour que tu m'en enduises le corps puis que tu me lèches entièrement, mon gros vicelard de baveux. »

Mais non. Je poireaute comme un connard depuis trois bonnes minutes entre deux latrines.

La porte du petit salon s'ouvre enfin. Emma en sort, son kimono de soie un peu chiffonné. Je sors à mon tour des chiottes. Elle me regarde en hochant la tête, façon de dire «c'est bon, vas-y. »
Je lui embrasse le front.

C'est à mon tour d'entrer en jeu. J'ouvre doucement la porte. Frénant me tourne le dos. Il est assis sur un gros pouf, devant une petite table basse, face à un grand miroir mural dans lequel il se contemple en caressant ses cheveux mi-longs grisonnants. L'obscurité masque mon reflet dans le miroir. Je referme très délicatement la porte et dégaine doucement mon flingue. Tout aussi lentement, mon pouce tire le marteau vers l'arrière.

Ton dernier acte va se ici jouer Frénant, et là j'vais pas faire dans le vaudeville. Fini le burlesque. Finies les plaidoiries théâtrale. Fini le cabaret. Maintenant, ya plus que toi, moi, et mon pétard. J'vais te la jouer façon art dramatique. Malheureusement pour toi, j'vais pas te laisser le temps de saluer la foule qui te lance des roses, tu seras déjà en train de bouffer les pissenlits par la racine.

J'élève lentement mon arme vers lui. Le bout de mon canon sort de l'obscurité et brille dans le miroir, et Frénant le voit. Il voit la bouche béante de mon revolver lui titiller le crâne. Et son regard se métamorphose. En un quart de seconde, il comprend. Cette grande surprise dans son regard, mêlée à une brutale résignation. Son cerveau doit fourmiller de mille questions à la seconde. J'lui laisse pas le temps d'en poser une seule. J'appuie sur la détente.

Il voit sa gueule littéralement exploser dans le miroir d'en face. Puis plus rien. Fermez le rideau. Il a un trou fumant de la taille de mon poing au milieu de la tronche, avec tout un tas de trucs noirs et visqueux qui en dégoulinent.

Je range mon flingue et j'quitte la pièce. Pas de trace d'Emma dans le couloir. Il me reste une minute trente. Sans courir, j'vais vers l'issue de secours et me retrouve dans la même ruelle que tout à l'heure avant de remonter dans ma bagnole et de mettre les voiles.

Je m'arrête au premier feu rouge et matte ma montre. Deux minutes tapantes. Emma vient de découvrir le corps sans vie et sans visage de son client affalé dans son sofa, perdu dans la contemplation de sa cervelle enduisant le miroir d'en face.


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